Les modèles de soins palliatifs traditionnels font souvent abstraction des besoins et difficultés uniques des personnes en situation d’itinérance ou de logement précaire, notamment en ce qui a trait à la sécurité des revenus, à l’alimentation et aux soins de compassion personnalisés. Le projet collaboratif Améliorer l’équité dans l’accès aux soins palliatifs rassemble des communautés d’un océan à l’autre dans l’objectif de concevoir et de mettre en œuvre des modèles innovants pour améliorer l’accès aux soins.
Dans ce billet de blogue, nous nous pencherons plus en détail sur certains aspects de ces modèles, en partant des conclusions d’un récent atelier de deux jours organisé par Excellence en santé Canada (ESC) et le Partenariat canadien contre le cancer. Des prestataires de soins et des organismes de la première cohorte du projet collaboratif, les équipes d’accompagnement et de conseil d’ESC ainsi que des panélistes spéciaux s’y sont retrouvés pour échanger des enseignements issus de leurs communautés respectives, mais aussi rechercher des stratégies reposant sur une approche axée sur l’équité pour améliorer l’accès aux soins. Nous vous présentons ci-dessous quelques-unes des principales conclusions tirées.
Utiliser une approche centrée sur la personne
L’un des thèmes communs qui a été repris pendant toute la durée de l’atelier est l’importance des soins centrés sur la personne. Une telle approche suppose de s’éloigner d’un modèle biomédical (où la santé est axée sur des facteurs physiques tels que l’absence de maladie) pour privilégier un modèle centré sur la personne où les soins sont personnalisés et répondent aux besoins uniques de chaque personne. Elle requiert par ailleurs une bonne compréhension des déterminants sociaux et structurels de la santé.
Pour assurer une prise en charge efficace, il est important que les prestataires de soins s’efforcent de comprendre les attentes, les souhaits, les espoirs et les rêves des bénéficiaires et, en fin de compte, les besoins auxquels les soins doivent répondre. Pour ce faire, il ne faut plus centrer le soin sur les prestataires ou le système, mais nouer avec la personne une relation de confiance authentique.
Le programme PEACH (Palliative Education And Care for the Homeless) mis en œuvre à Toronto, et fruit du partenariat entre Second Mile Club of Toronto, une division de Kensington Health, Inner City Health Associates et The Neighbourhood Group, illustre bien l’adoption d’une telle approche. Ces organismes travaillent en collaboration pour offrir des services diversifiés aux personnes en situation d’itinérance atteintes d’une maladie limitant l’espérance de vie (soins médicaux tenant compte des traumatismes, soutien psychosocial, plaidoyer, orientation et gestion des dossiers). Par l’entremise de leur équipe pluridisciplinaire, qui compte également des personnes ayant un vécu expérientiel, ils ont gagné la confiance de leurs bénéficiaires en privilégiant la création de liens relationnels, en allant à leur rencontre là où ils se trouvent, en les orientant vers d’autres services de soutien, et en leur offrant un accès à des soins équitables.
Une approche individualisée et centrée sur la personne est tout aussi fondamentale lorsque l’on intervient dans des communautés de Premières Nations, d’Inuits et de Métis, comme l’a souligné le Dr. James Makokis durant sa présentation sur les croyances nehiyô liées à la mort et la fin de fin, aux soins palliatifs et à l’itinérance. Après être revenu sur les conséquences délétères de la colonisation pour la santé des Autochtones, il a souligné combien il est important d’intégrer les cérémonies et le savoir autochtones aux systèmes de santé occidentaux afin d’offrir des soins respectueux des valeurs culturelles.
Travailler en partenariat
De nombreux services de santé ne sont pas accessibles aux personnes sans adresse fixe. Pour pallier ce problème, les communautés nouent des partenariats et adoptent des modèles de soins intégrés. Citons pour exemple l’équipe mobile de soins palliatifs PORT (Palliative Outreach Resource Team – l’équipe PORT), qui amène les soins directement aux personnes en situation d’itinérance ou de logement précaire en les rattachant à des fournisseurs de soins, à des services de soins palliatifs et à d’autres systèmes de santé et de soutien social. Jill Gerke, Kelli Stajduhar et l’équipe du programme PORT – fruit de la collaboration entre l’Université de Victoria, Island Health et Victoria Cool Aid Society – ont décrit l’évolution de leur programme et ont mis en évidence le rôle déterminant de la collaboration avec les partenaires communautaires pour offrir un programme de soins palliatifs complet qui réduit les obstacles structurels à l’accès aux soins de santé.
D’autres organismes associatifs offrent également ces types de soins intégrés, comme la Maison du Père. Cet organisme montréalais offre des services d’hébergement (temporaire, de transition et permanent) ainsi que des services de santé, des services de soutien social et une aide financière aux hommes en situation d’itinérance ou de logement précaire. Il est aujourd’hui en mesure de proposer des services d’hébergement sur mesure et de répondre aux besoins individuels, un succès qu’il doit en partie à ses collaborations avec des réseaux de santé, des autorités municipales et divers partenaires privés et organismes communautaires.
Comment définir le succès
Comment savoir si ces nouveaux modèles de soins changent la donne? Holly Prince, la Dre Cara Bablitz et Kelli Stajduhar ont tâché de répondre à cette question en se penchant sur les méthodes d’évaluation, les difficultés associées à l’obtention de résultats pérennes et le rôle des données et de la communication narrative pour mettre en avant les retombées de leurs efforts et défendre un changement systémique.
Quelques points importants pour l’élaboration et l’évaluation de ces programmes :
- Veiller à ce qu’ils soient dirigés par la communauté, et répondent à ses besoins.
- Reconnaître la nature complexe des soins palliatifs, y compris le volet émotionnel des soins de fin de vie, et s’y adapter.
- Honorer et valoriser les témoignages individuels pour démontrer les effets des soins.
- Faire preuve de souplesse lors de l’évaluation, et intégrer ces mesures aux processus existants.
- Tirer profit des évaluations pour améliorer les soins de manière concrète.
Et après?
Les modèles actuels de soins palliatifs ne prennent que rarement en compte les besoins spécifiques des personnes en situation d’itinérance ou de logement précaire en matière de soins ou de soutien social. Des communautés de tout le pays, comme celles de la première cohorte du projet collaboratif, étudient de nouvelles approches pour rendre les soins plus accessibles et plus équitables. Cela démontre qu’il est nécessaire d’élargir nos approches axées sur l’équité afin d’améliorer la sécurité, l’expérience et la qualité des soins, mais aussi l’accès aux soins, en particulier pour toutes les personnes confrontées à des obstacles structurels et systémiques.
Vous cherchez d’autres ressources ou souhaitez contribuer?
- Approfondissez la notion de soins équitables et respectueux des valeurs culturelles grâce aux ressources suivantes : l'Échange de connaissances virtuel sur l’équité, la diversité et l’inclusion d’ESC; le rapport Cheminer ensemble : renforcer la compétence culturelle autochtone dans les organismes de santé; et la Revue rapide : prestation de soins de santé primaires en milieu non traditionnel chez les personnes en situation d’itinérance.
- En savoir plus sur la première cohorte du projet collaboratif Améliorer l’équité dans l’accès aux soins palliatifs.
- Consultez les ressources suivantes : Commencement du voyage dans le monde des esprits : approches des Premières Nations, des Inuits et des Métis en matière de soins palliatifs et de fin de vie au Canada, EQUIP Equity Essentials et la série de vidéos Where Are All my Relations? Stories of Indigenous Homelessness in B.C.