Par Melissa Sheldrick et Maryanne D'Arpino
L’histoire de Melissa Sheldrick
Après avoir perdu mon fils Andrew, âgé de huit ans, à la suite d’une erreur médicamenteuse, je me suis donné pour mission d’en apprendre le plus possible sur ce qui s’était passé et sur ce que je pouvais faire pour éviter que cela ne se reproduise. On a tiré de nombreuses leçons de la tragédie vécue par ma famille, mais la plus importante est peut-être que ce n’était pas la faute d’une personne. Il y avait des failles dans le système qui ont permis à l’erreur de se produire, et il fallait passer à l’analyse et à l’action. Je crois qu’une culture d’apprentissage favorise les discussions, la collaboration et le partage des résultats, bons ou mauvais. Les patients et les familles ont un rôle crucial à jouer dans le processus d’amélioration. Le fait de raconter l’histoire d’Andrew et de signaler les erreurs qui se sont produites a entraîné d’importantes améliorations dans les systèmes pharmaceutiques et a mis en avant-plan les discussions sur la sécurité des médicaments.
L’histoire de Melissa illustre l’impact humain d’une bien triste réalité : « les médicaments sont parfois à l’origine d’effets préjudiciables graves s’ils sont mal stockés, prescrits, délivrés ou administrés, ou s’ils ne sont pas assez contrôlés. »
Parce que « [l]es médicaments sont les moyens thérapeutiques les plus largement utilisés, et les effets préjudiciables des erreurs de médication sont à l’origine de la plus grande partie des préjudices évitables subis à la suite de soins non sécurisés, sans parler du fardeau économique et psychologique qu’ils représentent », l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a choisi La sécurité de la médication : les médicaments sans les méfaits pour thème de la Journée mondiale de la sécurité des patients (17 septembre 2022).
"Les préjudices liés aux médicaments représentent plus de 50% des préjudices évitables liés aux soins médicaux." - Journée mondiale de la sécurité des patients 2022
Les préjudices liés à la médication ne sont pas un nouvel enjeu de sécurité des patients, mais la pandémie de COVID-19 en cours a considérablement exacerbé ce risque. Cela s’explique en partie par des facteurs tels que la fatigue, les mauvaises conditions de travail et le manque de personnel, qui contribuent aux erreurs médicamenteuses. Pendant la pandémie, tous les secteurs ont rencontré de grands problèmes de ressources humaines en santé, notamment le manque de personnel, la fatigue et l’épuisement professionnel.
Cette situation difficile signifie que les prestataires de soins courent un plus grand risque de contribuer à des préjudices involontaires, ce qui ajoute à la peur, à l’anxiété et à l’épuisement ressentis. Alors que les vagues de la pandémie se succèdent, nous pourrions bien nous heurter à une crise qui affectera toutes celles et tous ceux qui organisent, fournissent, cherchent ou reçoivent des soins – patients, proches et prestataires de soins de santé compris.
Créer un milieu sûr et à l’écoute
La plupart des solutions pour réduire les erreurs médicamenteuses et les préjudices liés à la médication sont similaires aux approches connues pour améliorer la sécurité dans tous les domaines en soins de santé. Il s’agit notamment de concevoir un système de santé plus sûr, du chevet du patient jusqu’au conseil d’administration, en adoptant une approche proactive pour assurer la sécurité et prévenir les méfaits. Cela va de pair avec l’adoption d’une définition élargie de la sécurité pour mieux cerner, évaluer et in fine améliorer la sécurité des patients, afin qu’elle reflète le vécu expérientiel et les voix de toutes et de tous au Canada. Cette définition holistique doit tenir compte des différents types de préjudices, chez toutes les personnes touchées : préjudices psychologiques, déshumanisation, retards dans le traitement, traitements insuffisants et facteurs d’influence sous-jacents (racisme, homophobie, discrimination, problèmes de communication et travail d’équipe).
Nous savons également que pour améliorer la sécurité, il faut apprendre à mieux réagir aux préjudices involontaires. Car malheureusement, même si on fait tous les efforts du monde pour créer un milieu sûr et prévenir les préjudices, il y aura toujours des erreurs. Le système de santé est incroyablement complexe. Et l’erreur est humaine.
Si éliminer totalement les préjudices est impossible, que pouvons-nous faire? Nous pensons que la réponse est de créer un milieu sûr et à l’écoute. Il faut changer la culture pour pouvoir dire sans risque que quelque chose s’est mal passé, est en train de mal se passer ou pourrait mal se passer. Il faut bien gérer les erreurs, les signaler, y répondre et en tirer des leçons. C’est indispensable pour améliorer le système dans son ensemble et aider toutes les personnes concernées à se remettre. Tout cela doit être fait avant de prendre des mesures éclairées pour réduire la probabilité ou éviter que des incidents similaires se produisent.
Une culture de blâme, de honte et de peur compromet l’établissement d’un milieu sûr et à l’écoute. Il faut que les gens se sentent à l’aise et soutenus pour soulever leurs préoccupations. Lorsqu’un préjudice involontaire survient, nous avons besoin d’une culture de soutien qui facilite les interactions et établit des relations de confiance, en laissant de côté la culpabilité, la honte et la crainte de poursuites judiciaires. La création d’un milieu sûr et à l’écoute favorisera la transparence et les signalements. Nous apprendrons ensemble à créer et à maintenir un meilleur milieu de travail sain pour les ressources humaines en santé et, par conséquent, pour les patients, les partenaires de soins essentiels et leurs proches.
Dans le cadre de ce changement de culture vers un milieu sûr et à l’écoute, il faut se montrer proactif et faire des patients et des proches de véritables partenaires dans la sécurité et la gestion des incidents afin de repérer les problèmes dans un esprit de communication ouverte. Sans cela, les patients peuvent se sentir laissés dans le noir et être à nouveau traumatisés après un incident.
Par ce changement, nous pouvons continuer à améliorer et à adapter notre approche pour assurer la sécurité, et apprendre et guérir, ensemble, lorsque des préjudices involontaires se produisent.
Dans le cadre de la Journée mondiale de la sécurité des patients 2022, nous vous invitons à découvrir les approches permettant de tirer des leçons des incidents liés à la sécurité des patients afin de créer des soins plus sûrs pour toutes les personnes concernées. Pour cela, inscrivez-vous au webinaire, qui aura lieu le 15 septembre 2022 (12 h à 13 h HE).
Pour connaître les prochaines nouvelles et activités liées à notre travail sur la sécurité des patients (y compris la nouvelle définition), abonnez-vous à l’infolettre d’ESC.
Pour communiquer avec un membre de l’équipe Sécurité d’ESC, veuillez écrire à safety-securite@hec-esc.ca.
Melissa Sheldrick, Membre de Patients pour la sécurité des patients du Canada; patiente et proche ressource, Institut pour la sécurité des médicaments aux patients du Canada
Maryanne D’Arpino, Vice-présidente Programmes et transformation du système, Excellence en santé Canada