Par Angel Arnaout, M. D., M. Sc., FRCSC, FACS, MBA
Angel Arnaout est chercheuse indépendante. Elle a participé au programme de bourses Harkness du Fonds du Commonwealth sur les innovations en matière de pratique et de politiques de la santé. ESC soutient le recrutement de boursiers canadiens pour ce programme. Cependant, les opinions exprimées ici ne représentent pas nécessairement celles d’ESC, ou de Santé Canada, notre bailleur de fonds.
La nouvelle ère de la médecine numérique a le potentiel de démocratiser l’accès aux soins, d’en améliorer l’efficacité et d’apporter un soutien aux personnes qui ont recours aux services de santé. Tandis que les organismes tentent tant bien que mal d’adopter de nouvelles technologies numériques, des approches de conception innovantes sont un excellent moyen d’envisager une future configuration des services de santé qui utiliserait efficacement les ressources numériques.
Lors de ma participation au programme Harkness du Fonds du Commonwealth sur les innovations en matière de pratique et de politiques de la santé (« le programme ») en 2021, j’ai passé une année aux États-Unis pour me pencher sur le sujet de la transformation numérique dans les services de santé. Encadrée par l’équipe Cancer Quality and Digital Strategy au siège de Kaiser Permanente en Californie, j’ai contribué à intégrer les technologies numériques à la stratégie du système de soins oncologiques et à identifier des méthodes pour transformer les soins aux personnes atteintes de cancer.
Cinq enseignements du programme Harkness
Au cours de cette année de recherche, j’ai eu l’occasion de participer à des réunions stratégiques, de mener des entretiens approfondis avec des leaders d’opinion influents sur le terrain et d’étudier les procédures opérationnelles du Kaiser Permanente en matière de soins virtuels, tout en envisageant les différentes étapes d’une future relation numérique entre patients et prestataires tout au long du continuum des soins. Cinq thèmes clés se sont ainsi imposés.
- Une stratégie intégrée à l’échelle organisationnelle suivie d’une adhésion à tous les niveaux, à court et long terme, est essentielle au succès des initiatives numériques en santé. La transformation numérique ne concerne pas seulement la technologie ou les outils employés, mais également les opérations, l’intégration des flux de travail et l’expérience des patients et des prestataires. Une intégration réussie passe par l’adoption d’une stratégie qui valorise ces aspects, un financement à long terme robuste et l’harmonisation des incitatifs des prestataires.
- Les technologies numériques doivent être utilisées de façon appropriée, personnalisée et bienveillante à l’égard des patients. La pandémie a mis en exergue l’importance de l’aspect humain dans la prestation de soins. Pour l’instant, les technologies numériques limitent la capacité à incorporer le toucher et la reconnaissance de signes non verbaux lors d’interactions entre le patient et le prestataire. Il est donc important que les prestataires et les patients soient formés à l’utilisation des technologies numériques, et que les prestataires portent une attention toute particulière aux signes non verbaux. Cela permettra d’assurer une expérience bienveillante et centrée sur le patient dans les soins aux personnes atteintes de cancer.
- La qualité des soins doit faire partie intégrante des technologies numériques en santé. Tout comme pour la prestation de soins en personne, les soins virtuels doivent répondre aux exigences en matière de qualité et de sécurité (efficacité, rapidité, équité, efficience et soins centrés sur la personne). Les indicateurs de mesure traditionnels peuvent être adaptés à une utilisation numérique.
- Les technologies numériques pourraient apporter une contribution significative à la prestation de soins éclairés par des données probantes et à la pérennisation du système de santé. Les technologies numériques ont l’avantage non seulement de permettre une capture passive de données pour dégager des profils de soins, mais aussi de fournir aux prestataires et aux patients des systèmes de soutien qui encouragent des pratiques alignées sur les données probantes. Les données ainsi recueillies peuvent être utilisées pour évaluer les écarts entre la pratique réelle et les lignes directrices éclairées par des données probantes. De plus, les systèmes de recommandation (des algorithmes qui synthétisent l’information pour ensuite émettre des recommandations) favorisent les comportements fondés sur des données probantes.
- Les outils numériques et l’analyse peuvent améliorer les soins oncologiques à l’échelle d’une population. L’intelligence artificielle permet d’anticiper la future demande en services de santé et de déterminer les services connexes permettant d’atteindre les meilleurs résultats pour une population précise. Ceux-ci doivent inclure les services communautaires qui ciblent les déterminants sociaux de la santé.
En plus de ces éléments à prendre en compte pour la mise en œuvre, il existe également des enjeux pour les responsables des politiques. Bien que mon expertise soit axée sur le traitement du cancer, ces principes peuvent s’appliquer à différents milieux et politiques de soins.
- Nous avons besoin d’adopter une stratégie nationale et cohésive du traitement du cancer basée sur les nouvelles technologies à travers une approche unifiée, systématique et éclairée par des données probantes. Celle-ci devrait inclure la possibilité de mener des essais rapides et à grande échelle de ces technologies afin d’obtenir des données probantes étayant leur utilisation.
- Des indicateurs de mesure doivent être mis en place pour évaluer la qualité et la sécurité des soins, en même temps qu’une évaluation, une surveillance et une amélioration continues.
- Le personnel en santé doit être outillé pour entrer dans l’ère numérique. Les technologies numériques peuvent venir étoffer les compétences. Certains services numériques peuvent automatiser des tâches simples, permettant ainsi aux prestataires de se concentrer sur la sécurité, la rapidité et la bienveillance des soins. Le changement de culture, l’éducation et la formation peuvent également être mis en œuvre à grande échelle de façon plus délibérée.
Le programme m’a permis de renforcer mes objectifs de carrière et de développer les compétences nécessaires pour les atteindre. Je suis toujours chirurgienne à temps plein. Cependant, ma vision de la prestation de soins aux personnes atteintes de cancer au niveau du système de santé a changé. J’ai à cœur d’utiliser mes compétences pour aider les patients et la population en général. Le système canadien d’assurance maladie à payeur unique a une capacité inégalée, celle de trouver des solutions aux enjeux de la lutte contre le cancer et d’apporter des améliorations à grande échelle, au niveau de la population. Les technologies numériques seraient un levier indispensable à cette fin.
Forte de tout ce que j’ai appris grâce à ce programme, j’ai hâte de collaborer avec les partenaires du système de santé du pays au niveau régional, provincial et national et avec le Fonds du Commonwealth pour agir positivement sur le système de santé et les politiques mondiales.
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ESC, en partenariat avec Inforoute Santé du Canada, a développé une Trousse d’outils en gestion du changement pour les cliniciens afin d’aider les prestataires à fournir des soins virtuels sûrs.