Une erreur de médication presque fatale amène un infirmier à faire de la sécurité des patients une priorité

30 octobre, 2017

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Plus de 30 ans se sont écoulés depuis cette erreur de médication quasi fatale, mais Michael Villeneuve se souvient du moment avec une clarté absolue. 

Une petite voix lui disait « Attends une seconde, quelque chose ne va pas », mais Villeneuve, qui était alors un jeune infirmier arrogant désireux de suivre le rythme de ses collègues de cette unité de soins intensifs de l’Ontario, ne l’a pas écoutée et a administré le médicament. 

Immédiatement, il a su exactement ce qu’il venait de faire : il avait donné le bon médicament, mais au mauvais patient. 

Aujourd’hui président-directeur général de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, M. Villeneuve se sert fréquemment de cette expérience dans son travail quotidien pour promouvoir de meilleurs traitements, une meilleure santé et de meilleurs soins infirmiers partout au pays. 

Jeune, Villeneuve rêvait déjà de devenir chirurgien. Sa grand-mère était directrice des soins infirmiers dans un petit hôpital rural et avait l’habitude de l’emmener avec elle pendant ses rondes; ça le fascinait. Ses ambitions ont légèrement changé à l’école secondaire après qu’un ami de la famille l’ait aidé à trouver un emploi d’aide-soignant dans un hôpital d’Ottawa. Il y est resté moins d’une heure, le temps de réaliser qu’il était beaucoup plus intéressé par le travail des infirmières que par celui des médecins. 

« Je voyais quelque chose de particulier dans la compétence de ces femmes, se souvient M. Villeneuve. Il suffit d’avoir été dans un service d’urgence dirigé par des femmes pour savoir qu’il y règne une assurance et une atmosphère enivrante qui est particulièrement attrayante pour une jeune personne. Je me suis dit : “C’est ça que je veux faire”. Voilà ce qui m’a amené à travailler aux soins intensifs d’urgence, en neurochirurgie et dans les autres services, et je n’ai jamais regardé en arrière. Aujourd’hui encore, je ne changerais rien à mon parcours. 

Sauf que je ne referais pas la même erreur ». 

Cette erreur, elle s’est produite en 1985. Deux ans après avoir obtenu son diplôme d’infirmier, M. Villeneuve est passé d’un service de soins à une unité de soins intensifs en neurochirurgie. Il n’y était que depuis quelques semaines. À cette époque, il était encore peu fréquent de voir des hommes en soins infirmiers et M. Villeneuve avait hâte de faire ses preuves. Dans ce contexte, une unité de soin de 12 lits, tout va très vite. M. Villeneuve se souvient d’avoir été très impressionné par la confiance et la rapidité d’exécution des infirmières qui l’entouraient. « Quand je repense à ce qui s’est passé, je pense effectivement que j’essayais d’être meilleur, plus rapide que je ne pouvais l’être, si vous voyez ce que je veux dire. » 

Le jour de l’incident, M. Villeneuve avait deux patients à sa charge – l’un avait un taux élevé de potassium, l’autre un faible taux de potassium. L’infirmière responsable a reçu un appel d’un médecin qui demandait que du potassium soit administré à l’un de ses patients. Elle a transcrit l’ordonnance, a appelé M. Villeneuve, lui a donné la feuille de prescription et lui a demandé de donner le médicament A au patient B. 

C’est un élément de cette chaîne d’événements – une feuille d’ordonnance partiellement masquée, la mention du nom d’un patient plutôt que de l’autre – qui a envoyé M. Villeneuve au chevet de la mauvaise personne. 

« J’ai pris le médicament que j’avais préparé, du potassium, j’étais sur le point de le donner au patient, puis – plus grande leçon de toute ma carrière – j’ai eu le sentiment que quelque chose n’allait pas, raconte M. Villeneuve. 

J’ai pensé que quelque chose ne tournait pas rond. Ce que je n’ai pas fait, c’est de m’arrêter. J’ai introduit le médicament lentement, mais je l’ai introduit complètement. Ce n’est que deux secondes après avoir fini que j’ai réalisé que ce n’était pas le bon patient et que j’avais donné une surdose de potassium à la personne qui avait un taux élevé de potassium. Littéralement, je me suis effondré. Je pensais que ma carrière était terminée, que j’allais perdre mon permis, que le patient allait mourir ». 

M. Villeneuve s’est immédiatement rendu compte de son erreur et les infirmières et les médecins se sont précipités pour s’occuper du patient, dont le cœur s’était immédiatement emballé. Comble de malchance, le patient était lui-même un médecin chevronné. M. Villeneuve était si bouleversé que ses collègues l’ont confiné dans le salon du personnel pour le reste de la journée. 

« Ça s’est passé il y a 32 ou 33 ans et tout reste gravé dans ma mémoire – l’éclairage dans la pièce ce jour-là, le regard des gens autour de moi, ce que j’ai ressenti, ce que j’ai compris quand la petite voix m’a dit : “Doucement, tu dois ralentir avant de causer du tort à quelqu’un” », confie M. Villeneuve. 

Il considère son expérience comme un exemple parfait de ce que l’on constate si souvent en médecine et en soins infirmiers, à savoir que les erreurs surviennent le plus fréquemment lors des transferts de soins. 

« Nous voyons lors des transferts, même dans les soins à domicile, des membres du personnel infirmier autorisés qui fournissent des plans de soins et délèguent des tâches à un membre de l’équipe auxiliaire autorisée, qui de son côté peut déléguer ces tâches à du personnel soignant auxiliaire ou à un préposé aux soins personnel, ce qui est une grave erreur au sein des équipes, explique M. Villeneuve. 

« Parce que les différentes équipes fournissent beaucoup de soins. Ce n’est donc pas seulement un problème lié à l’unité de soins intensifs ou à l’hôpital, mais à l’ensemble du système de santé. Plus il y a de points de transfert, plus il y a de risque d’erreur. » 

Ce jour fatidique, Villeneuve a passé la totalité de son deuxième quart de travail dans le salon du personnel, terrifié par le sort de son patient, inquiet pour son avenir, rongé par cette terrible « peur de l’erreur » qui l’habite en tant qu’infirmier depuis le jour de la remise des diplômes. Mais au fil des heures, tout indiquait que le patient allait survivre. Ce n’est qu’à ce moment-là que Villeneuve a eu l’occasion de discuter avec son infirmière en chef, qui l’a merveilleusement soutenu. 

« Lorsqu’elle est arrivée, je pensais qu’elle allait me sanctionner, qu’elle allait me renvoyer chez moi. Elle m’a plutôt dit : “Qu’as-tu appris?” se souvient M. Villeneuve, étouffé par ce souvenir douloureux. Elle m’a simplement dit de ralentir. L’une des infirmières que j’admirais vraiment s’appelait Jennifer et était extrêmement compétente. Et elle m’a dit : “Tu n’es pas encore Jennifer. Vas-y doucement. Pose-toi. Réfléchis à ce que tu fais”. Toutes les choses que je savais et que j’aurais dû faire. Et cela m’a aidé à calmer mon ego, qui avait été assez malmené par cet incident. 

Cet événement a été une grande leçon de vie pour moi. Quand votre petite voix intérieure vous dit de vous arrêter, il faut l’écouter, comme si c’était un feu jaune à une intersection; vous ne devez pas accélérer, vous devez ralentir. 

Même maintenant dans mes fonctions administratives et pédagogiques, si je sens que quelque chose ne va pas, je dis simplement aux gens que j’ai besoin de temps pour y réfléchir. J’essaie de ne pas prendre de décisions rapides et je pense que mes décisions sont meilleures ». 

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