Un diagnostic de cancer retardé révèle des lacunes dans les processus de communication en santé
27 octobre 2016
Le diagnostic extrêmement retardé de son cancer colorectal a privé Robin McGee de nombreuses choses dans sa vie, mais pas de sa capacité d’espérer. Les drapeaux de prière attachés à la clôture arrière de sa maison en Nouvelle-Écosse le lui rappellent chaque jour.
La psychologue clinicienne a reçu un diagnostic de cancer colorectal de stade avancé en 2010, soit deux ans après avoir consulté un médecin pour la première fois en raison de symptômes classiques d’un cancer qui avait déjà touché des membres de sa famille.
Ce premier médecin lui avait dit de ne pas s’inquiéter, que son saignement rectal était probablement une réaction aux antibiotiques et donc, qu’il n’y avait pas lieu de faire de suivi. Les symptômes ont disparu pendant quelques semaines, mais ils sont réapparus, plus graves, et un second médecin n’a pas non plus reconnu les signes. Des semaines ont passé, puis des mois, et les symptômes se sont aggravés. Madame McGee devenait de plus en plus frêle et désespérée. Durant cette période, deux autres médecins ont également minimisé les symptômes qu’elle présentait. Pendant tout ce temps, sa tumeur progressait. Il aura fallu 661 jours avant qu’elle subisse une endoscopie diagnostique.
Son histoire est une histoire de « retards de diagnostic flagrants », indique madame McGee. Un jugement qui a ensuite été confirmé par une enquête menée par le Collège des médecins et chirurgiens de la Nouvelle-Écosse. Trois des quatre médecins impliqués ont été sanctionnés.
Comme l’explique madame McGee, le cancer colorectal est comme le cancer de la peau. S’il est détecté et retiré assez tôt, l’intervention chirurgicale est relativement mineure et le patient ou la patiente a une excellente chance de survie. Mais s’il est diagnostiqué à un stade avancé, le taux de survie et le traitement requis – dans son cas, la chimiothérapie, la radiothérapie et deux chirurgies abdominales majeures – peuvent être dévastateurs.
« C’était choquant à tous les niveaux, se souvient madame McGee. C’est dévastateur d’apprendre qu’on a un cancer, quelles que soient les circonstances, mais encore plus de découvrir qu’on a raté sa chance de le vaincre. Tout cela m’a coûté tellement cher dans ma vie personnelle, dans ma vie familiale et tout. Tout ceci était évitable, on aurait pu éviter tout cela si au moins un des médecins avait fait son travail. L’enquête du Collège a clairement fait ressortir que chaque médecin avait supposé qu’un autre médecin était responsable du dossier, mais finalement, aucun d’entre eux n’a assumé cette responsabilité. »
Déjà angoissée, et ayant le sentiment d’avoir été trahie, madame McGee a été choquée d’apprendre, peu de temps après son diagnostic, que le traitement de chimiothérapie le plus efficace était disponible partout ailleurs au Canada et aux États-Unis, mais qu’il n’était pas la norme acceptée par la Nouvelle-Écosse. Elle a alors fait appel à son réseau en ligne et grâce au soutien de ses proches et de la communauté d’oncologie de la province, elle a mené une campagne de lobbying pendant huit mois pour débloquer la couverture du médicament plus efficace au niveau de la province. Ce mouvement populaire a finalement abouti, quoique trop tard pour que madame McGee puisse en bénéficier elle-même.
« Je suis fière de vous dire que plus de 500 Néo-Écossais ont eu accès à cette meilleure chance de guérison depuis que nous avons milité pour son accessibilité, et j’ai eu le privilège de rencontrer certains d’entre eux, souligne McGee. Des gens m’abordent dans la rue pour me dire : “sans vous, j’ignore si je serais encore ici.” »
La sœur de madame McGee est bouddhiste, et pendant sa longue et douloureuse lutte contre le cancer, elle a lui donné quelques drapeaux de prière bouddhistes à attacher à la clôture de la cour arrière de sa maison de Port Williams.
« Au fil du temps, les drapeaux ont été déchirés par le vent, mais ils ont été plusieurs fois une source de force et de réconfort, explique madame McGee. Quand le gouvernement m’a téléphoné pour m’annoncer qu’on ‘allait me refuser l’accès à ce médicament que j’essayais de faire adopter, je suis allée à la fenêtre pour appuyer ma tête contre la vitre froide, et en regardant dehors, j’ai vu les drapeaux de prière qui s’agitaient dans ma direction. Je me suis alors dit que j’avais vraiment besoin de ces prières à ce moment précis. » Madame McGee a de nouveau pensé à ces drapeaux le jour où elle a appris de ses médecins que les preuves qui indiquaient que son cancer avait métastasé à un endroit inopérable avaient en quelque sorte disparu des examens d’imagerie post-traitement. Cinq ans après la date de son dernier traitement, le jour où madame McGee a su qu’elle pouvait désormais se dire survivante du cancer, elle est allée remplacer les drapeaux déchirés.
Aujourd’hui, Madame McGee est en rémission, mais elle continue de consacrer une grande partie de son temps à la défense des patientes et des patients, notamment en aidant Cancer Care Nova Scotia au sein de plusieurs groupes de travail visant l’amélioration des normes de traitement et la participation des patientes et des patients. Encore plus important pour elle, elle a fait partie d’un groupe d’experts chargé d’élaborer des lignes directrices à l’intention des médecins de famille concernant la détection et le diagnostic du cancer colorectal.
« Je pense que les médecins ont tendance à penser que le patient ou la patiente qui a subi un préjudice ne peut pas être leur partenaire, que nous sommes tous très susceptibles, que nous ne cherchons qu’à blâmer et que nous ne pouvons pas contribuer de manière réfléchie à résoudre les problèmes des soins de santé, explique McGee. Mais, par expérience, je peux affirmer qu’il est possible de le faire. Il est possible, même pour la personne la plus lésée, de s’asseoir et de discuter, calmement, avec sensibilité, en analysant la documentation de recherche, afin d’orienter les soins de la santé dans la bonne direction. Je pense que les médecins ont souvent très peur des patientes et des patients, et de leur engagement, mais ils ont surtout peur de ceux et celles qui ont subi un préjudice. Mais les médecins ne devraient pas avoir peur, car nous ne sommes que des gens qui ont envie de changer les choses. »