La mémoire de Martha lui survit

31 octobre 2011

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On a tenté de clore le dossier de Martha Murray immédiatement après la remise des rapports d’autopsie et de toxicologie. 

Le Bureau du coroner en chef de l’Ontario avait conclu que le décès de Martha, à l’âge de 22 ans, était de cause naturelle. Aucune recommandation n’a été formulée. 

Ce qui n’était pas naturel, à tout le moins pour le Bureau du coroner, c’était d’avoir à composer avec une famille qui n’acceptait pas ses conclusions. 

« Les gens ne vont pas simplement se coucher sans se réveiller le lendemain », affirme Maryann, la mère de Martha. 

La famille Murray a donc entamé une bataille de sept ans pour obtenir des réponses et pour que des changements soient apportés au système. Quand demander poliment ne suffisait pas, ils exigeaient. Lorsque les demandes n’aboutissaient pas, ils parlaient aux politiciens et aux journalistes. 

À la fin, on a découvert des erreurs, des processus ont été changés et une famille a pu faire son deuil. Le nom de Martha Murray ne sera pas oublié de sitôt en Ontario. Il ne devrait jamais être oublié. 

On a retrouvé Martha sans vie dans son lit, un matin de septembre 2002. Elle était allée se coucher la veille et était décédée dans la nuit. 

À la suite des conclusions du coroner, la famille a commencé à fouiller dans les dossiers médicaux de Martha. La famille a ainsi appris qu’on lui avait prescrit du lithium pour un trouble bipolaire dans les mois précédents. Le dosage avait été augmenté onze jours seulement avant le décès de Martha. 

Son dossier médical contenait une recommandation indiquant de ne pas lui prescrire de lithium en raison d’un faible taux de potassium chronique. Le lithium, comme la famille l’a appris plus tard, est aussi contre-indiqué chez les personnes qui souffrent de problèmes cardiaques. 

Un psychiatre, qui était au fait du faible taux de potassium de Martha, avait formulé un avertissement au sujet du lithium. Mais son dernier psychiatre n’était pas d’accord et avait prescrit le médicament sans informer Martha de cet avertissement. 

Martha avait également subi de nombreux électrocardiogrammes au cours des années précédant son décès, en raison d’épisodes d’accélération de sa fréquence cardiaque. Ces manifestations ont souvent été mises sur le compte de l’anxiété et les résultats des examens étaient alors considérés comme « normaux » dans son cas. 

Maryann a envoyé les électrocardiogrammes de Martha au Bureau du coroner. Les enquêteurs en ont examiné 17 et ils ont conclu que Martha souffrait d’une cardiopathie congénitale. 

Maryann a également découvert que Martha avait consulté un cardiologue un an avant son décès. Elle avait elle-même demandé à passer des examens qui avaient confirmé la cardiopathie. 

Mais le cardiologue n’a jamais lu les résultats des examens. La clinique n’a jamais téléphoné à Martha pour l’informer. Et aucun avertissement lié à son problème cardiaque et au lithium n’a été ajouté à son dossier. 

La pratique courante au cabinet du cardiologue était d’attendre la prochaine visite du patient ou de la patiente avant de lire les résultats des examens. Mais des patientes comme Martha peuvent supposer que le fait de ne pas avoir de nouvelles est une bonne nouvelle, et décider de ne pas revenir à la clinique. 

À la suite des pressions exercées par la famille Murray, l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario a envoyé un « contremandement éducationnel » au cardiologue en citant un devoir de lire les résultats des examens et de procéder à un suivi.  

À ce jour, Maryann est encore frustrée que l’Ordre n’ait pas envoyé un avertissement à tous ses membres. Le Bureau du coroner a toutefois recommandé que les patientes et patients à qui on a prescrit des psychotropes subissent d’abord un examen cardiovasculaire. 

« Je pense qu’il était important pour nous de savoir que Martha a fait tout ce qu’elle pouvait pour aller mieux, explique sa mère. Elle a fait appel au système de soins de santé pour aller mieux. Mais une série d’erreurs se sont produites et cela a fini par lui coûter la vie. » 

Le Bureau du coroner a lui aussi changé ses procédures. Avant le décès de Martha et le combat mené par la famille Murray, celui-ci ne signalait pas les effets secondaires des médicaments à Santé Canada.  

Martha était la fille aînée de Maryann et Paul Murray. Elle avait quatre frères et sœurs plus jeunes dont elle s’occupait beaucoup. Sa maladie l’avait incitée à étudier en soins infirmiers, dans le but d’aider les autres. 

Maryann affirme qu’il existait une culture de dissimulation et de déni dans le système de santé en Ontario. Elle s’est battue pour Martha, mais aussi pour tous les autres patients et patientes qui ont perdu la vie sans qu’on ait divulgué ou rapporté les leçons apprises. 

« Des gens ont perdu la vie et d’autres ont souffert; le moins que l’on puisse faire pour eux, c’est de signaler ce qui s’est passé et d’en permettre l’analyse afin que nous puissions éviter que cela ne se reproduise à nouveau », déclare Maryann. 

« Ma fille n’a pas pu se marier, avoir des enfants et profiter de la vie comme nous le faisons, ajoute Maryann. J’ai persisté, car je voulais savoir ce qui était arrivé à notre fille. 

Personne ne voulait qu’une jeune femme de 22 ans meure. Personne n’avait l’intention de faire de mal à qui que ce soit. Mais quand cela est arrivé, le système n’a pas fait son travail pour examiner ce qui a mal tourné et pour trouver des moyens de prévention. » 

L’expérience de Martha dans le système de soins de santé canadien illustre l’importance d’une communication claire entre les prestataires de soins de santé et les patients et patientes. 

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