La collaboration des services de santé et de la famille permet d’élucider les circonstances entourant la mort d’un bébé

29 octobre 2013

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Barb Farlow en était à sa 22e semaine de grossesse lorsque des tests prénataux ont révélé que sa fille était atteinte des trisomies 13 et 18. 

Ces maladies génétiques provoquent souvent la mort du bébé avant sa naissance, durant l’accouchement ou peu de temps après sa venue au monde. À peine 10 % des enfants atteints survivent au-delà de la première année, vivant handicapés, mais heureux auprès de leur famille. 

Barb et son époux Tim s’attendaient à devenir des partenaires dans les soins de leur fille et à prendre les décisions cruciales relatives aux interventions ou aux soins palliatifs avec l’aide de médecins compétents. « Nous avions besoin de savoir que nous allions prendre de bonnes décisions, que nous n’allions pas avoir de regrets, raconte madame Barb. Nous étions prêts à envisager certaines interventions, mais nous ne voulions pas donner une vie de souffrance à notre fille. » 

La petite Annie est née à terme. Le bébé de sept livres ne présentait aucun signe de maladie cardiaque ou cérébrale comme on aurait pu s’y attendre, les deux principaux facteurs qui affectent la longévité. Elle est rentrée à la maison à six semaines, au grand plaisir de sa famille. 

Mais à son 77e jour, Annie a connu un épisode de détresse respiratoire. Son visage a viré au rouge et l’est resté. Le médecin de quartier leur a dit qu’il semblait s’agir d’un affaissement de la trachée, un problème qui se résout habituellement de lui-même. Deux jours plus tard, un médecin de l’hôpital pour enfants leur a répété la même chose. 

Cette nuit-là, Annie a fait une crise de détresse respiratoire plus grave. On l’a amenée d’urgence à l’hôpital pour enfants, où on lui a diagnostiqué une pneumonie, une infection qui pouvait être traitée avec des antibiotiques, se souvient Mme Farlow. Selon l’équipe médicale, la trachée de la petite ne présentait pas de problème. 

Annie a été transportée aux soins intensifs, où on lui a donné un masque pour l’aider à respirer. Le médecin responsable de l’unité a demandé aux parents s’il devait la réanimer si elle cessait de respirer. 

« J’ai répondu oui, raconte Mme Farlow. On nous avait dit qu’elle souffrait d’une pneumonie, et que les enfants s’en remettent bien. Mais le médecin a continué en parlant de “mourir dans la dignité”. J’ai réagi en disant que nous devions prendre une décision éclairée. Nous devions savoir ce qui provoquait la détresse de notre fille pour pouvoir décider s’il fallait ou non essayer de la guérir. » 

Plus tard dans la nuit, le médecin de l’unité des soins intensifs est revenu en annonçant qu’il fallait opérer Annie pour dégager sa trachée, une procédure qui présente déjà un risque de mortalité élevé chez les enfants en bonne santé. Les deux parents se sont relayés pour veiller sur Annie. Pendant la garde de Tim, les indicateurs de santé d’Annie ont commencé à chuter. Il n’y avait pas de sonnette. L’infirmière n’était pas là. Tim a cherché de l’aide en vain. Le médecin traitant d’Annie a fini par arriver. Il a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une pneumonie. 

« Voulez-vous qu’on l’intube? » 

« L’opération qu’on nous décrivait n’était pas dans l’intérêt d’Annie, se souvient Mme Farlow. La mettre sous assistance respiratoire ne lui aurait pas rendu service. Nous avons convenu de ne pas la réanimer. Annie est décédée peu après. » 

Troublés par le diagnostic fautif de pneumonie, les parents Farlow ont demandé le dossier médical. Ils ont découvert qu’une décision de ne pas réanimer l’enfant y avait été inscrite avant même qu’ils aient donné leur consentement. Plus tard, le comité d’examen des décès pédiatriques du coroner s’est penché sur les dossiers et a conclu que les derniers soins prodigués à Annie avaient été inadéquats, ajoutant que l’opération proposée ne s’imposait pas forcément. 

« Nous avons été très troublés par cette violation de notre autorité parentale et nous nous demandons si notre fille pourrait être encore en vie », confie Mme Farlow. 

Après avoir raconté l’histoire d’Annie lors d’un congrès médical, elle a fait la connaissance de la Dre Annie Janvier, une néonatologiste de Montréal. Celle-ci l’a encouragée à entreprendre une recherche documentaire approfondie en consultant l’ensemble des publications existantes sur les trisomies 13 et 18. Mme Farlow a découvert que la littérature médicale était négative et mettait l’accent sur la mort et sur le handicap sans tenir compte de la perspective familiale. 

Barb Farlow, la Dre Janvier et le Dr Wilfond du Seattle Children’s Hospital ont convenu qu’il fallait faire quelque chose pour donner une voix aux enfants comme Annie, et pour que la littérature tienne désormais compte de la dimension familiale et de l’expérience que traversent les parents. Ils se sont associés pour concevoir un sondage destiné aux parents et aux médecins, qui demandait aux médecins ce qu’ils voulaient entendre et aux parents ce qu’ils voulaient dire aux médecins. Cette cohorte de parents constituait le plus grand échantillon jamais réuni. 

Le résultat? Un article publié dans Pediatrics, la revue pédiatrique la plus lue. Pediatrics a également publié un communiqué de presse et la nouvelle a été reprise dans 60 articles écrits en cinq langues différentes par les médias du monde entier, avec des titres tels que « Les enfants handicapés enrichissent leur famille ». Mme Farlow souligne que la recherche est utilisée partout dans le monde et qu’elle a été présentée dans le cadre d’importants congrès pédiatriques au Canada et aux États-Unis. 

Les parents d’enfants handicapés ont réagi avec enthousiasme à l’article, rappelant que le défi d’élever un enfant médicalement fragile n’est rien comparé à celui de trouver des médecins compréhensifs. À la parution du texte, des parents ont créé un collage avec des centaines de photos d’enfants et la mention « Notre communauté a une voix » aux côtés du titre de l’article scientifique. Ce collage demeure fièrement affiché dans le bureau des médecins ayant collaboré au texte. 

Barb Farlow explique qu’auparavant, la littérature médicale ne tenait pas compte de l’expérience des familles et que les médecins tenaient trop souvent pour acquis que le fait de retourner chez lui un enfant à l’espérance de vie limité ne profitait ni à l’enfant ni à sa famille. Ils envisageaient la maladie et son traitement à travers ce prisme. 

« Désormais, tout le monde a droit à sa juste part dans les écrits – les aspects médicaux comme ceux liés à la qualité de vie y trouvent leur place. Qu’un enfant ne puisse pas être “réparé” ne signifie pas que sa vie n’a aucune valeur. La perspective des familles est essentielle, insiste Mme Farlow. Les familles doivent pouvoir prendre des décisions éclairées, parce qu’elles devront vivre avec la perte d’un être cher pour le reste de leurs jours. » 

Annie a changé la vie de sa mère. 

« Je suis membre de Patients pour la sécurité des patients du Canada depuis plus de six ans, raconte-t-elle. C’est très important pour moi de venir en aide aux autres membres qui racontent leur histoire ou qui travaillent à l’amélioration des soins. J’aimerais que plus de gens puissent travailler de concert pour comprendre les défis en matière de soins et pour contribuer à améliorer le système de santé. Il s’agit de notre système public », déclare Mme Farlow. Patients pour la sécurité des patients du Canada œuvre pour que les organismes et les systèmes de santé tiennent compte du point de vue des patients et des familles dans les prises de décisions et la mis en place d’initiatives d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. 

Mme Farlow représente aussi le point de vue des familles en tant que membre honoraire du conseil d’administration de la Société internationale pour la qualité des soins de santé. 

« Cela m’a ouvert les yeux. Cela me redonne confiance de voir des personnes merveilleuses travailler très dur pour améliorer les soins prodigués aux gens dans le monde entier. Je fais de mon mieux pour conseiller les patients et faire entendre leurs voix. » 

La détermination de Barb Farlow à poursuivre le programme ASK.LISTEN.TALK. avec Patients pour la sécurité des patients du Canada contribue à faire passer le message : « Les bons soins de santé commencent par une bonne communication ».

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