Des excuses et des changements administratifs à l’hôpital ont donné un sens au décès de Daniel

28 octobre 2013

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Par un matin ensoleillé de janvier 2003, Theresa Malloy-Miller et son conjoint Tim sont sortis de l’hôpital en portant une petite boîte en bois contenant les effets personnels de Daniel, leur fils de 17 ans.  

Ils n’arrivaient pas à y croire. Comment cet adolescent en bonne santé qui samedi semblait n’avoir qu’un simple rhume pouvait-il être mort le jeudi suivant? 

« Nous pensons qu’il a eu une myocardite », leur a dit le médecin traitant avant leur départ de l’hôpital. 

Une infection cardiaque? 

Personne n’avait évoqué cette possibilité lorsqu’ils avaient amené Daniel aux urgences une première fois le lundi et une deuxième fois le mercredi. On avait parlé d’une possible déshydratation, d’hépatite et d’entérite. Le pouls de Daniel était en effet très élevé, à 140 battements par minute, et on avait vérifié sa pression artérielle à plusieurs reprises. 

Lorsqu’il a finalement été admis à l’unité pédiatrique tard le mercredi soir, Daniel, qui était lui-même épuisé, a suggéré à ses parents d’aller à la maison pour y dormir un peu. Ce qu’ils ont fait, le personnel de l’hôpital leur ayant assuré que tout irait bien. 

Mais le téléphone des Malloy-Miller Miller a sonné quelques heures plus tard. 

« C’était l’hôpital, se souvient Teresa Malloy-Miller. L’infirmière nous annonçait que Daniel avait été transféré aux soins intensifs, qui disposaient d’équipement plus efficace pour l’aider à respirer. Elle nous a dit de prendre notre temps, qu’il se portait bien. » 

Ils se sont précipités vers l’hôpital puis aux soins intensifs, où ils ont été accueillis par un médecin résident qui leur a dit : « Ça ne se présente pas bien ». Ils ont alors aperçu une équipe qui essayait de réanimer Daniel. 

« Mon Dieu, que s’est-il passé? s’est écriée Theresa. Daniel, il faut que tu t’en sortes! » 

« Ils nous ont alors amenés à l’écart et ce fut la fin, se souvient-elle. Daniel venait de nous quitter. C’était comme si quelqu’un nous avait arraché les entrailles et les avait jetées par terre. C’était fini », dit Theresa. 

Restaient les questions. 

« Que s’était-il passé? Pourquoi était-il mort? Nous savions que rien ne nous le ramènerait, mais nous espérions faire en sorte que cela ne se reproduise plus », raconte madame Malloy-Miller. 

La quête incessante de réponses du couple a donné lieu à la première conférence sur la sécurité des patients à London. Elle a également incité les hôpitaux locaux à mettre en place un conseil sur la sécurité des patients, auquel Theresa Malloy-Miller a été invitée à participer à titre de représentante des patients. 

L’hôpital des Malloy-Miller a également normalisé ses appareils de mesure de la pression artérielle, révisé ses directives en matière de sédation, ajouté un module relatif à la myocardite à l’intention des étudiants en médecine, des résidents, des étudiants en techniques infirmières et du personnel, en plus de créer une équipe d’intervention rapide axée sur une communication respectueuse entre ses membres. 

Daniel Miller s’était inscrit à l’Université de Waterloo un mois avant sa maladie. Il voulait y étudier la biochimie et se rapprocher de son frère Ben, de trois ans son aîné, qui lui y étudiait la physique. Ils étaient tous deux persuadés que la moyenne scolaire de 90 % de Daniel lui permettrait d’être facilement admis. 

Daniel participait à des tournois de hockey et pratiquait aussi la crosse et le soccer, en plus de jouer de la guitare. Lorsqu’il a finalement convaincu ses parents de lui permettre d’avoir une batterie, il a vite formé un groupe musical qui se réunissait pour répéter dans le sous-sol des Miller. 

« C’était un ado normal et en bonne santé. Le samedi, on aurait dit qu’il avait un simple rhume. Le dimanche, il était vraiment malade et vomissait toutes les 45 minutes sans aller mieux. Lundi, il était plus malade qu’on ne l’avait jamais vu », se souvient Theresa Malloy-Miller. 

Cette dernière a donc appelé le service de télésanté. Quand on a demandé à son fils quand il avait vomi la dernière fois, il a donné une réponse typique d’adolescent : « Pas depuis un bout. » Le service de télésanté a dit que Daniel devait consulter un médecin. Les parents l’ont donc amené aux urgences de l’hôpital. 

Les membres du personnel aux urgences pensaient qu’il était peut-être déshydraté. Ils ont fait des analyses sanguines et ont dit qu’il souffrait possiblement d’une entérite (une inflammation de l’intestin grêle). Le rythme cardiaque anormalement élevé de Daniel, à 140 battements par minute, a incité le médecin à le vérifier de nouveau, mais il a finalement attribué ce pouls élevé à la déshydratation. On lui a donné des liquides intraveineux, en lui disant qu’il pourrait rentrer chez lui dès qu’il aurait uriné. 

Daniel a continué à vomir. Personne n’a fait de suivi concernant les analyses sanguines. Le jeune homme a reçu trois litres et demi de liquide intraveineux. Il est allé à la toilette. Trois heures après son admission, on l’a renvoyé chez lui, encore faible, toujours en proie à des vomissements. Les parents ont appris après avoir lu le dossier de Daniel à l’hôpital, que sur les cinq analyses sanguines, trois montraient des résultats anormaux. 

Le lendemain, la situation avait empiré. La respiration de Daniel était devenue vraiment anormale. Il n’a pas fermé l’œil de la nuit le mardi. Un autre appel a été passé à Télésanté le lendemain matin, suivi d’un retour aux urgences. 

« L’infirmière au triage a vu que nous étions venus lundi et nous a dit qu’il nous faudrait probablement attendre cette fois. Je me suis sentie stupide de l’avoir ramené », se souvient madame Malloy-Miller. 

Le médecin de service a examiné Daniel, a fait d’autres analyses sanguines et a déclaré qu’il s’agissait d’une hépatite. Il a demandé à Daniel s’il souffrait. Celui-ci lui a désigné le milieu de sa poitrine. Le médecin lui a demandé s’il avait aussi mal plus bas et Daniel lui a répondu « peut-être ». 

On a considéré que c’était une douleur au foie. On a fait d’autres prises de sang et donné plus de liquide intraveineux à Daniel. Un étudiant en médecine est venu lui demander s’il avait pris du poids depuis quelques jours. Daniel, épuisé, lui a lancé qu’il vomissait depuis des jours. Comment aurait-il pu prendre du poids? 

Plus tard, le dossier médical de Daniel a révélé qu’il avait bel et bien pris trois livres et demi de lundi à mercredi. Il n’avait éliminé que 100 ml des trois litres et demi de liquide intraveineux qu’il avait pris. Il retenait l’essentiel des liquides qu’on lui donnait. Sa pression artérielle montait et descendait, mais le personnel pensait qu’il s’agissait de variations reliées à l’équipement. 

Les dossiers de l’unité des soins intensifs ont montré qu’une infirmière avait par deux fois questionné le résident au sujet de la sédation de Daniel, car sa tension artérielle n’était pas détectable. Trois minutes après la sédation, Daniel a fait un arrêt cardiaque. 

Lorsque le comité d’examen des décès pédiatriques de l’Ontario s’est penché sur le cas de Daniel, il a découvert que le résident de l’unité des soins intensifs n’avait pas suivi les lignes directrices de l’hôpital et les directives relatives à la sédation, pas plus qu’il n’avait consulté le médecin traitant. Le rapport a remis en question l’encadrement des médecins résidents. 

Il a fallu quatre ans et un changement administratif à l’hôpital pour que les parents de Daniel reçoivent enfin des excuses. Theresa Malloy-Miller confie : « il était essentiel pour nous de les entendre. Elles donnent un sens à l’histoire de Daniel. Les excuses sont aussi importantes pour les prestataires de soins que pour la famille. 

C’est une question de respect dans les communications. Nous posions beaucoup de questions, mais aucun système ne semblait disposé à écouter la famille. En lisant les rapports, j’ai eu l’impression que l’on n’écoutait pas les infirmières non plus. Pas plus qu’on n’avait porté attention à l’étudiant en médecine qui s’intéressait à la prise de poids de Daniel. 

Les soins de santé doivent disposer d’un système qui fait en sorte que chaque personne peut se sentir respectée et avoir suffisamment confiance pour dire ce qui doit être dit. » 

L’histoire de Theresa Malloy-Miller qui a continué à défendre ses droits après le décès de Daniel montre l’importance de Patients pour la sécurité des patients du Canada. 

Patients pour la sécurité des patients du Canada est un programme de l’Institut canadien pour la sécurité des patients (aujourd’hui Excellence en santé Canada) dirigé par les patients eux-mêmes. Patients pour la sécurité des patients du Canada milite pour que les institutions et les systèmes de santé tiennent compte du point de vue des patients et des familles dans leur prise de décision et dans la planification des initiatives d’amélioration de la sécurité et de la qualité des soins.

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