Bébé Sophia a contribué à changer la politique
27 mars 2013
La petite Sophia Maron n’a jamais vécu en dehors du ventre de sa mère.
Elle n’avait que 18 semaines lorsque sa mère, Tania, a accouché de la petite fille mort-née dans la confusion, la peur et les dédales administratifs.
La politique de l’hôpital était que tout bébé de moins de 20 semaines n’était pas considéré comme un humain. Pourtant, le legs de Sophia est fondamentalement humain et illustre la nature même de l’humanité.
L’histoire de Sophia a commencé par la grossesse apparemment normale et saine de sa mère. Mais une visite de routine chez le médecin à 18 semaines de grossesse a dévasté Tania : le cœur du bébé ne battait plus.
Tania a alors reçu une ordonnance pour un médicament provoquant le travail, le Cytotec. Le médecin a assuré à Tania qu’il serait là pour lui apporter le soutien nécessaire afin qu’elle soit aussi à l’aise que possible.
Il a laissé une note au personnel de l’hôpital pour qu’il l’appelle dès l’arrivée de Tania. Elle a donc inséré le Cytotec et, après cinq heures de douleur et de saignements, elle s’est rendue à l’hôpital local avec son mari Oliver.
Elle et Oliver ont été placés dans une chambre des urgences. Tania a inséré plus de Cytotec – et l’hôpital a appelé son médecin.
« Non seulement il n’est pas venu, mais il a fallu trois heures pour qu’il rappelle », raconte Tania.
Mais comme il avait donné des instructions à l’hôpital, aucun médecin de garde ne lui a été affecté. Par conséquent, Tania n’a reçu aucun médicament ni solution intraveineuse.
Pire encore, les infirmières des urgences ne semblaient pas savoir quoi faire avec elle. Elles lui ont laissé un panier à linge et une pile de serviettes.
« On nous a demandé de nettoyer notre sang et de nous ramasser, affirme Tania. On nous a dit de ne pas laisser de sang sur le sol. »
Toutes les 30 minutes environ, Oliver recevait de nouvelles serviettes. Il a demandé de l’aide, mais le personnel attendait l’obstétricien de Tania. On a dit à Oliver que puisque Tania avait pris le Cytotec hors de l’hôpital, l’hôpital n’était pas responsable de sa prise en charge.
« J’étais considérablement déshydratée en raison de la perte sanguine, raconte Tania. Cela semble peut-être mélodramatique, mais nous avions peur que je meure aussi. La vue du sang était terrifiante. Je me sentais incroyablement étourdie. »
Une jeune infirmière novice a fait preuve de compassion, mais elle s’est retrouvée coincée entre l’agonie de Tania et l’attitude du personnel plus expérimenté. Elle a par la suite porté plainte contre ses collègues et s’est vu offrir une aide psychologique pour traumatisme, en plus de recevoir la bénédiction de Tania.
Sophia a finalement accouché et une infirmière en chef est arrivée. Elle a tiré sur le cordon ombilical.
« Il est encore vivant – il bouge », a déclaré l’infirmière, qui, en se rendant compte de son erreur, a jeté une serviette sur Sophia.
Tania a été emmenée pour subir une dilatation et un curetage. Ensuite, elle a demandé que le corps de Sophia lui soit remis pour une crémation. On lui a dit que ce n’était pas en accord avec la politique de l’hôpital et que les bébés mort-nés de moins de 20 semaines étaient traités comme des déchets médicaux.
Tania, qui porte à présent un médaillon contenant les cendres de Sophia, a gagné cette bataille. Et elle en a gagné beaucoup d’autres.
« Lorsque vous perdez un bébé, vous perdez une partie de vous-même – et tous les rêves que vous aviez pour ce bébé, raconte Tania. Cela devrait être considéré comme une véritable perte et on devrait recevoir le soutien et la compassion des gens. »
Tania a entrepris des démarches auprès de l’hôpital pour s’assurer qu’on n’oublie pas son cas et dans l’espoir de faire changer la politique.
Elle a choisi de ne pas y aller avec l’intention de se battre, mais plutôt en lançant l’idée de faire de l’hôpital un modèle pour les accouchements de bébés mort-nés.
Dorénavant, toutes les femmes recevant du Cytotec seront traitées dans le pavillon de travail et d’accouchement de l’hôpital, si elles le souhaitent. Et un dépliant sur le deuil et la perte est maintenant offert aux familles qui vivent cette situation.
Les parents d’un bébé mort-né au cours du deuxième trimestre auront également la possibilité de choisir la crémation. Tania a aussi été invitée à faire partie d’un nouveau comité sur le deuil périnatal à l’hôpital.
Elle précise que la défense de cette cause, y compris son travail avec l’Institut canadien pour la sécurité des patients (maintenant Excellence en santé Canada), lui a permis de panser sa plaie.
Tania espère que les changements apportés dans son hôpital local feront des émules partout au Canada. Le legs de Sophia, c’est d’avoir appris à chacun d’entre nous à être un peu plus humain.
« Sophia a déjà eu un énorme impact, ajoute sa mère. Elle sera toujours importante. »
Bien que Sophia ait achevé sa vie avant même de l’avoir commencée, le message qu’elle nous laisse, selon lequel tout le monde mérite des soins sécuritaires, est toujours entendu.