Évaluation du projet collaboratif CMSS
Mai 2020
Auteurs : Joanne Goldman, Ph. D.| Scientifique, Centre d’amélioration de la qualité et de la sécurité des patients, Faculté de médecine, Université de Toronto, Leahora Rotteau, Ph. D.| Gestionnaire de programme, Centre d’amélioration de la qualité et de la sécurité des patients, Faculté de médecine, Université de Toronto
Le Cadre de mesure et de surveillance de la sécurité (CMSS) comporte cinq dimensions et une série de questions clés qui guident les utilisatrices et utilisateurs vers une vision globale et conceptuelle de la sécurité. Ces cinq dimensions et les questions qui y sont associées portent sur les préjudices passés, la fiabilité, la sensibilité aux opérations, l’anticipation et l’état de préparation ainsi que l’intégration et l’apprentissage.
En octobre 2018, l’Institut canadien pour la sécurité des patients (l’ICSP), aujourd’hui Excellence en santé Canada, a lancé un projet d’amélioration de la sécurité des patients sous la direction de Maryanne D’Arpino de l’ICSP (chef de projet) et du Dr G. Ross Baker de l’Université de Toronto (chef des études). Ce programme, un projet collaboratif d’apprentissage faisant appel à un groupe de spécialistes et de mentores, visait à permettre la mise en œuvre du CMSS parmi 11 équipes de sept provinces du Canada sur une période de 18 mois afin que chaque équipe élabore une approche plus complète de la sécurité et de la prestation de soins plus sécuritaires. Ce rapport présente les conclusions d’une étude d’évaluation financée par l’ICSP dont l’objectif était d’examiner l’efficacité de ce projet collaboratif.
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Méthodes
Cette étude a adopté une approche qualitative fondée sur des méthodes d’entrevue, d’observation et de collecte de données documentaires. Des entrevues semi-structurées approfondies ont été menées avec les membres des équipes, des visites d’observation d’une journée ont été effectuées dans cinq établissements, des observations de séances d’apprentissage ont été réalisées, et des documents pertinents ont été recueillis. Trente-six membres d’équipes ont participé aux entrevues. Un total de 29 heures a été consacré aux visites d’établissement, en plus des 33 heures qui comprenaient la troisième séance d’apprentissage, le congrès de clôture et les réunions virtuelles de l’ensemble des équipes.
Principales conclusions
- Dans l’ensemble, les personnes participantes ont fait des commentaires positifs sur les séances d’apprentissage en personne. Elles ont particulièrement apprécié les conférencières et conférenciers spécialistes, les approches à volets multiples utilisées pour enseigner le CMSS et la structure créée pour l’apprentissage au sein des équipes participantes et entre elles.
- Si certaines personnes participantes se sont senties « dépassées » par la quantité de renseignements fournis lors de la première séance d’apprentissage, la majorité d’entre elles avaient une opinion positive du Cadre dès le début. La première séance d’apprentissage a mis en valeur la nécessité d’un changement de vision de la sécurité, passant de l’absence de préjudices à la présence de la sécurité et à une réflexion sur le changement de culture, et a conclu qu’il faudrait du temps pour comprendre et mettre en œuvre le CMSS.
- L’encadrement assuré par les gestionnaires principaux de l’ICSP a joué un rôle clé dans la compréhension et la mise en œuvre du CMSS par les personnes participantes. Les accompagnatrices et accompagnateurs ont été réceptifs et accessibles entre les visites sur place. Tout en offrant une formation et un soutien continus, ces personnes ont joué un rôle essentiel en fournissant la rétroaction nécessaire à la mise en œuvre continue du CMSS. Certaines personnes participantes auraient souhaité un encadrement plus soutenu et plus de précisions sur les attentes en matière d’accompagnement et de responsabilisation des équipes.
- Les membres des équipes ont utilisé une série de stratégies et de méthodes d’enseignement pour aider à mettre le CMSS en pratique. Il s’agissait notamment d’enseigner le Cadre à des groupes de parties prenantes (prestataires de soins de santé et haute direction).
- Des personnes consultantes en amélioration de la qualité (AQ), des médecins et des conseils d’administration ont commencé à enseigner le Cadre en intégrant son vocabulaire dans la communication quotidienne et en l’utilisant pour discuter de questions portant notamment sur la sécurité ou les soins aux patientes et patients. Les membres des équipes ont pris certaines décisions sur la manière d’enseigner le Cadre aux groupes de parties prenantes, en tenant compte de facteurs tels que la disponibilité, le nombre de personnes concernées, les rôles professionnels et le degré d’intérêt. Les perceptions divergeaient quant à l’efficacité de l’enseignement du CMSS, et à savoir s’il était nécessaire d’enseigner le Cadre en soi ou s’il suffisait d’enseigner et de mettre en œuvre des outils ou des processus inspirés du Cadre.
- Les équipes ont été invitées à se concentrer sur les stratégies de mise en œuvre du CMSS qui étaient propres au contexte et qui permettaient d’intégrer le Cadre dans le travail clinique et administratif quotidien des unités ou des domaines ciblés. Les équipes ont donc utilisé diverses stratégies. Celles-ci comprenaient l’utilisation du CMSS pour orienter les procédures et activités suivantes : caucus sur la sécurité, procédures de soins de santé, incidents et rapports sur la sécurité; réunions; communication; initiatives axées sur les patients et les familles; et activités des conseils d’administration et des cadres supérieurs. Chaque stratégie a réussi à cibler différentes parties prenantes et à apporter des changements de différentes façons.
- Les équipes du CMSS étaient composées de personnes possédant différents parcours professionnels et occupant des postes variés tant aux plans local et régional que provincial. Cette diversité a permis de partager de multiples points de vue et approches pour enseigner, mettre en œuvre et diffuser le CMSS. Cependant, la variabilité de l’engagement envers ce projet collaboratif et la rotation au sein des équipes au cours des 18 mois ont constitué des défis. Seul un petit nombre d’équipes étaient représentées par des patients et patientes, des membres de la famille et des membres de conseils d’administration, considérés comme une source précieuse de points de vue pour l’équipe et son travail. Les médecins ont été un groupe plus difficile à mobiliser.
- La majorité des personnes participantes étaient favorables à une plus grande diffusion du CMSS, mais les possibilités de diffusion au-delà des sites de mise en œuvre étaient variables. Si un petit nombre d’équipes sont restées concentrées sur le site initial de mise en œuvre, les autres ont montré des degrés de diffusion variables : diffusion non planifiée; efforts individuels ou collectifs planifiés qui ont conduit à des îlots d’adoption dans l’organisation ou la région; efforts étendus planifiés et coordonnés pour diffuser le CMSS dans une organisation et une région. Parmi les défis de diffusion à surmonter, citons les ressources limitées allouées, l’incertitude quant au pouvoir d’influencer la diffusion, la nécessité d’un arrimage à des processus et à des cadres plus larges et la restructuration organisationnelle et régionale des soins de santé.
- La majorité des personnes participantes ont fait état des effets positifs de la mise en œuvre du CMSS. Il s’agissait notamment de changements dans la façon de concevoir la sécurité, qui ont influencé les comportements et les pratiques; l’engagement du personnel de santé dans la prévention, la détection et la gestion des problèmes de sécurité, l’engagement des patients et patientes, des résidents et résidentes et des familles envers la sécurité; et l’amélioration des processus de soins de santé et des soins aux patients.
Conclusions et implications
Le projet collaboratif sur le CMSS a réussi à faire connaître le CMSS aux équipes et à les aider à mettre ce cadre en pratique dans leur contexte local. Les personnes participantes ont estimé que le projet du CMSS avait eu des retombées positives sur les connaissances et les comportements des groupes de parties prenantes, ainsi que sur les processus de soins de santé et l’évolution de l’état de santé des patients. Ces conclusions soutiennent la poursuite de la formation professionnelle pour la mise en œuvre du CMSS. Toutefois, ces efforts devraient porter sur les catalyseurs et les défis relevés dans le rapport afin d’assurer une diffusion plus systématique et plus globale dans les organismes de santé et les régions.