Patients pour la sécurité des patients du canada : 15 ans plus tard
Introduction
Il peut être difficile de déterminer le moment précis où naît un mouvement. Une réflexion est souvent nécessaire pour en comprendre les idées et les tendances ainsi que pour déterminer l’origine de l’élan créateur. Dans le cas de Patients pour la sécurité des patients du Canada (PPSPC), tout a commencé par des moments individuels de douleur, de perte et, dans la plupart des cas, d’isolement. Certains dirigeants des services de santé canadiens commençaient à trouver le courage d’admettre que les préjudices causés par les services de santé étaient réels et qu’il fallait les reconnaître et réparer les torts. En même temps, les patients et les familles prenaient la parole pour demander du soutien et de l’honnêteté, ce qui manquait dans plusieurs cas. Bon nombre d’entre eux craignaient que leurs besoins en soins de santé soient encore compromis dans le futur; pourtant, ils devaient raconter leur histoire. L’avènement des médias sociaux offrait un espace qui n’existait pas auparavant pour discuter des préjudices associés aux services de santé. Une conscience mondiale était en train de naître.
En 2006, un petit groupe de dirigeants des services de santé mondiaux et canadiens s’est réuni dans une salle de conférence de Vancouver pour discuter avec des familles et des patients qui avaient subi des préjudices. Alors que les patients et les familles endeuillées déversaient un flot d’histoires difficiles et douloureuses de perte, les dirigeants n’avaient aucun doute que : a) ces histoires étaient importantes et qu’elles devaient être entendues par les tous les dirigeants et fournisseurs de soins de santé; b) les patients et les familles avaient un point de vue unique qui devait être intégré dans la conception des services de santé; et c) les dirigeants des services de santé responsables du système devaient se racheter aux yeux des patients et des familles qui avaient subi des préjudices; ils leur devaient au moins des conversations honnêtes, transparentes et opportunes sur ce qui avait causé les préjudices.
Après avoir interrogé un petit groupe de personnes qui ont contribué à la création de Patients pour la sécurité des patients du Canada, certaines phases du développement de l’organisme sont ressorties des discussions et devront être prises en considération lorsque nous envisagerons les 15 prochaines années. Avant d’aborder ces phases, il ne faut pas oublier que, bien que l’organisme soit en pleine croissance à certains endroits au Canada, ce n’est pas nécessairement le cas partout. En fait, sa présence peut même varier à l’intérieur d’une ville, d’un hôpital, d’une unité ou d’un quart de travail. En effet, la fiabilité des services de santé reste un idéal difficile à atteindre, et on doit se demander comment PPSPC peut contribuer à améliorer la fiabilité du système dans les années à venir.
La genèse (2005-2007)
Dates importantes :
- 2005 : Déclaration de Londres de l’OMS
- 2006 : Rencontre nationale à Vancouver
- 2007 : Patients pour la sécurité des patients au Canada voit le jour
En 2005, un groupe disparate de Canadiens et de Canadiennes ayant un intérêt marqué pour la sécurité des patients s’est rendu à Londres pour assister à une réunion de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Présidée par Sir Liam Donaldson, cette rencontre a réuni des participants du monde entier, y compris des Canadiens et des Canadiennes passionnés. C’est lors de cet événement que la Déclaration de Londres a été créée par et pour les personnes victimes de préjudices liés aux services de santé, qui en retour se sont engagées à collaborer avec le système de santé pour promouvoir le changement. Toutes les personnes présentes à la réunion ont été nommées Champions pour la sécurité des patients.
En 2006, des dirigeants de services de santé canadiens ainsi que des patients et des familles victimes de préjudices liés aux services de santé se sont réunis à Vancouver en présence de Sir Liam Donaldson. Ont également participé à cette réunion les pionniers américains en matière de sécurité des patients Sue Sheridan, défenseure des droits, et Martin Hatlie, un dirigeant des services de santé. Pendant les deux jours qu’a duré l’événement, les participants ont appris à se connaître et à reconnaître la douleur de chacun, les similitudes dans les histoires et le pouvoir d’agir ensemble. C’est lors de cette réunion que les dirigeants de l’ICSP (maintenant appelé Excellence en santé Canada (ESC)) ont reconnu la nécessité d’apporter un soutien continu au groupe qui allait en 2007 adopter le nom de Patients pour la sécurité des patients du Canada. Ceux et celles qui ont participé à la réunion de Londres et les membres fondateurs de PPSPC décrivent cette période comme étant à la fois difficile et valorisante.
Mise en œuvre et organisation (2007-2009)
Dates importantes :
- 2007 : Mise en place des lignes directrices relatives à la divulgation et de la loi sur la présentation des excuses
- 2008 : PPSPC commence à prendre forme en nommant des co-présidents et en organisant des réunions régulières
- 2009 : PPSPC décide de devenir un programme d’ESC
En 2007, ESC publie la première version des Lignes directrices nationales relatives à la divulgation et commence à collaborer avec les provinces et les territoires afin de promouvoir une loi sur la présentation des excuses. De plus, les membres de PPSPC ont commencé à participer à la création de ressources favorisant la sécurité des patients en contribuant à l’élaboration des Lignes directrices nationales relatives à la divulgation au sein d’un groupe de travail.
En 2008, PPSPC s’organise et nomme des champions co-présidents et planifie des réunions régulières pour les membres. Ceux-ci consacrent du temps à planifier les prochaines étapes et à définir leur mandat. En 2009, les membres de PPSPC se réunissent à Winnipeg pour prendre la décision de devenir un programme financé par ESC plutôt qu’un organisme indépendant. Cette décision ne fait pas l’unanimité. Faire partie d’ESC garantit à PPSPC un soutien financier et administratif pour poursuivre sa mission, ce qui plaît à beaucoup de gens; ces deux groupes ont des idées et des buts communs, et les membres de PPSPC pourraient immédiatement se mettre au travail puisqu’ils n’auraient pas à s’occuper du financement. D’un autre côté, certains membres s’inquiètent que cette relation étroite avec ESC compromette leur histoire, leur message et la cause qu’ils défendent. Ils craignent de perdre leur influence en tant que patients et familles victimes de préjudices liés aux services de santé réclamant le changement.
À la fin de l’année 2009, certains membres quittent PPSPC pour promouvoir seuls l’amélioration de la fiabilité du système de santé afin de garantir l’indépendance de leur message. Ceux qui sont restés affirment qu’il y a parfois des préoccupations au sujet de l’indépendance, surtout lorsqu’il s’agit de lancer un message fort à propos du système. Cela dit, en général, ce partenariat a été très productif pour ESC et Patients pour la sécurité des patients du Canada, ainsi que pour le système de santé dans son ensemble.
Écoute et témoignages (2010-2012)
Dates importantes :
- 2010 : Période de témoignages marquants
- 2011 : On reconnaît que relater les faits à nouveau peut causer du tort
- 2012 : Les témoignages se concentrent plus sur l’amélioration et la participation
En 2010, les membres de PPSPC commencent à établir des liens avec des initiatives locales, provinciales, nationales et internationales. L’organisme se concentre sur les patients et les familles en recevant leurs témoignages et devient une référence dans la définition des fondements de toute initiative en matière de sécurité des patients. La douleur et la force des témoignages sont évidentes, mais il est encore plus évident que, dans certains cas, relater les faits à nouveau peut causer un nouveau traumatisme. C’est durant cette période que le travail commence pour déterminer la meilleure façon d’appuyer PPSPC et veiller à ce que les membres puissent s’arrêter pour prendre soin d’eux-mêmes en cas de besoin.
En 2011-2012, les membres participaient à la co-conception de ressources pour l’amélioration de la sécurité des patients. Les témoignages des patients et des familles sont toujours essentiels à l’organisme, qui adapte leurs récits d’expérience vécue pour qu’ils concordent avec l’objectif de la formation ou de l’initiative sur laquelle il travaille. Un groupe de travail sur le transfert des connaissances est mis sur pied, et les membres de PPSPC participent à des projets à long terme plutôt qu’à une simple série de témoignages.
Un examen des documents datant de cette époque révèle que PPSPC a une présence marquée. L’organisme n’est pas simplement un membre d’un groupe de travail au sein d’une initiative : il rédige les avant-propos de documents, participe à leur création et à leur révision, et suggère des modifications.
Présence et collaboration
Dates importantes :
- 2013-2015 : PPSPC participe au Consortium national sur la sécurité des patients
- 2018 : Six objectifs clés sont définis lors de la réunion de planification stratégique
- 2019 : PPSPC établit des liens avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en matière de politiques
L’importance de la participation des patients et des familles est aujourd’hui évidente. PPSPC est devenu un membre clé dans la communauté de la sécurité des patients; c’est un organisme que l’on attend avec impatience et que l’on accueille à bras ouverts. Son avis est sollicité par les dirigeants des services de santé de diverses organisations, des provinces et des territoires ainsi que par Santé Canada.
Les membres de PPSPC continuent à raconter leur expérience vécue, mais ils sont maintenant plus que de simples participants, et sont considérés par beaucoup comme des leaders de la sécurité des patients. Un membre a même déclaré que « les services de santé étaient prêts à nous écouter ». Le message de PPSPC, Sécurité pour tous les patients, est bien accueilli, et les efforts constants de l’organisme pour s’affirmer sans agressivité ont permis aux membres d’être traités d’égal à égal, en particulier sur la scène nationale. L’héritage de PPSPC est considérable. Aucune initiative canadienne en matière de sécurité des patients ne peut exister sans contribution des membres de PPSPC, qu’on parle des politiques, de la sécurité des médicaments, du Cadre canadien d’analyse des incidents, des Lignes directrices nationales relatives à la divulgation ou de publications sur le travail d’équipe et la communication.
D’autres pays considèrent maintenant le Canada comme un modèle d’inclusion des patients et des familles dans le travail sur la sécurité des patients. On demande souvent aux membres de PPSPC de faire part de leurs apprentissages à des pays qui cherchent à mettre sur pieds des initiatives de représentation axée sur les patients. Ils sont des mentors actifs à l’échelle mondiale pour d’autres systèmes nationaux, et ce, à peine 15 ans après leurs premières réunions, ce qui témoigne du travail acharné des patients et des familles du Canada.
Transparence et inclusion – Un espoir pour l’avenir
Date importante :
- 2036 : Sécurité pour tous les patients
Qu’en est-il des 15 prochaines années? Les membres de PPSPC aimeraient que les patients et les familles aient leur mot à dire sur tout, notamment sur l’élaboration des politiques, la conception et la prestation de tous les soins de santé. En outre, ils espèrent pouvoir bénéficier d’un soutien et d’une transparence sans faille si les services de santé ne sont pas efficaces ou entraînent un préjudice. Plus important encore, le système de santé sera une communauté d’apprentissage dynamique, et les patients ainsi que les familles en seront le centre. Tous ces éléments ont un point en commun : la fiabilité. Les patients et les familles devront être inclus de façon fiable dans tous les efforts d’amélioration de la sécurité des patients, dans toutes les régions du Canada. La croissance et l’expansion continues resteront des priorités pour Patients pour la sécurité des patients du Canada.
Conclusion
Les dirigeants des services de santé et les membres de PPSPC interrogés pour cet article se souviennent encore de l’intensité et de l’émotion qui régnaient dans la salle à Vancouver en 2006 et du besoin urgent d’améliorer les services de santé. Un dirigeant des services de santé a déclaré ce qui suit :
C’est à ce moment-là que j’ai compris que je n’avais pas véritablement travaillé avec les patients et les familles. C’est là que j’ai appris ce qu’est un partenariat authentique. Nous étions en train de prendre conscience que cela allait représenter un élément essentiel du travail… c’était un changement majeur de perspective. Nous devions faire preuve de bienveillance envers les personnes faisant partie du système, mais garder fermement le cap sur les changements à apporter.
Patients pour la sécurité des patients du Canada est un mouvement qui a vu le jour grâce à des personnes passionnées qui étaient alors en proie à la douleur et qui voulaient désespérément rendre les services de santé plus sécuritaires. On s’entend en général pour dire qu’il a fallu deux ans pour que le groupe commence à surmonter l’intensité des émotions causées par les préjudices liés aux services de santé pour se concentrer sur des solutions systémiques. PPSPC a été une réussite parce que ses membres ont le désir et la détermination de rendre les soins plus sécuritaires à l’avenir. Ils veulent tout simplement éviter que d’autres se retrouvent dans de telles situations et, bien qu’il reste du travail à faire, la voie pour l’amélioration est bien tracée, et le partenariat avec les patients et les familles est indéniablement le point de départ afin d’assurer la Sécurité pour tous les patients.
Rédigé par Paula Beard pour PPSPC