Nancy Quattrocchi, vice-présidente Services de gestion sortante chez Excellence en santé Canada, revient sur les initiatives menées et les enseignements tirés tout au long de sa carrière dans l’organisme.
En 1998, Nancy Quattrocchi devient la cinquième employée de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé (FCRSS). Tout au long des 25 dernières années, elle a contribué par son leadership au succès de la restructuration de la FCRSS, devenue la Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé (FCASS), puis au lancement d’Excellence en santé Canada (ESC), né de la fusion de la FCASS et de l’Institut canadien pour la sécurité des patients (ICSP). Elle a ainsi supervisé un large éventail de portefeuilles, notamment les finances, l’administration, les ressources humaines, les technologies de l’information, la gestion des connaissances, la mesure des performances, ou encore les systèmes d’apprentissage. Alors qu’elle se prépare à entamer un nouveau chapitre de sa vie, elle souhaite partager quelques réflexions.
Quels sont vos grands moments de fierté chez ESC?
Je tire une grande fierté de nombreux accomplissements de l’organisme au fil de son évolution. J’aimerais toutefois souligner deux initiatives menées par le département Services de gestion, qui mettent en avant le rôle unique des différents départements dans le succès d’un organisme.
La première concerne une restructuration interne, et la façon dont cette restructuration a permis à l’organisme d’atteindre ses objectifs. À l’époque, la FCRSS avait pour mission de favoriser la prise de décisions fondée sur des données probantes en jetant des ponts entre la recherche et les directions des systèmes de santé. Ce petit organisme a connu une expansion rapide, et comptait 36 personnes après cinq ans. Cependant, la croissance de sa structure n’a pas suivi, entravée par la séparation entre le département Programmes de recherche (axé sur l’obtention de subventions et la création de connaissances), et le département Transfert de connaissances (dont la mission consistait à mobiliser des décisionnaires dans l’application des connaissances de la recherche). Une division qui risquait de créer des cloisonnements et de refléter ainsi les défis systémiques que la FCRSS visait précisément à surmonter dans le secteur de la santé.
Pour y remédier, j’ai organisé des retraites de leadership afin de faire émerger une structure plus cohésive. Notre objectif n’était pas simplement d’élaborer un nouveau modèle, mais de montrer concrètement comment mettre fin au clivage qui sépare traditionnellement la recherche et les fonctions décisionnelles du système. Nous avons fusionné des postes, élargi les rôles et créé une ébauche de structure matricielle innovante. Mais la véritable épreuve était la mise en œuvre. Nous avons formé une équipe de mise en œuvre opérationnelle pour assurer l’adhésion du personnel, adapter les plans à la réalité et limiter les interruptions au maximum, tout en favorisant des changements rapides et efficaces. Les deux principaux indicateurs de réussite étaient le développement du sentiment d’engagement et de détermination dans l’ensemble du personnel, ainsi que la capacité de la FCRSS à présenter sa propre structure comme un modèle pour toutes les parties prenantes du secteur de la santé.
Mes efforts ont été salués en 2004 par l’Association des professionnels en ressources humaines, qui m’a décerné le prix Hicks Morley Vision pour ma contribution exceptionnelle aux objectifs stratégiques de l’organisme.
La seconde initiative que j’aimerais évoquer résonnera pour nombre d’entre nous. La pandémie a révélé que le travail à distance pouvait accroître la productivité et améliorer la conciliation travail-famille pour beaucoup. Comme d’autres organismes, ESC s’est efforcé, en cette période de chamboulements, d’adapter sa culture et ses activités. Plutôt que d’imposer un retour au bureau, ESC a fait le choix de s’intéresser de plus près aux véritables facteurs de performance. En privilégiant non pas l’emplacement géographique mais les tâches et les résultats, ESC a établi un programme et une politique de travail flexible en janvier 2023. Cette initiative, lancée comme un projet pilote, a été affinée au fil du temps grâce aux rétroactions du personnel et des gestionnaires.
Ce virage stratégique s’est avéré transformateur. La politique d’ESC sur le travail flexible, récompensée du prix Innovative HR Team en 2023, est en effet devenue la pierre angulaire de nos efforts de recrutement et de rétention, et a sensiblement accru la motivation du personnel. En permettant aux gestionnaires d’adapter les flux de travail aux besoins de leurs équipes, nous avons favorisé la productivité et l’adaptabilité, et ainsi démontré notre engagement en faveur de l’innovation et du bien-être du personnel.
Quelle est votre approche en matière de partenariats?
Les partenariats sont fondamentaux pour opérer un changement au sein des systèmes de santé, et sont au cœur de tout ce que nous faisons. Nos partenaires apportent une diversité de perspectives, de besoins et de façons de travailler. Soucieux de renforcer la capacité de collaboration d’ESC, le département Services de gestion demande régulièrement l’avis de ses partenaires sur les politiques et procédures organisationnelles. Nous avons par exemple invité les patients et patientes partenaires à commenter notre modèle de contrat de services, ce qui nous a permis de le modifier pour éviter le jargon juridique et le rendre plus accessible. Outre les patients et patientes partenaires, les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont également orienté l’élaboration de plusieurs politiques, procédures et processus organisationnels afin qu’ils favorisent des partenariats réciproques et authentiques.
Si vous pouviez donner cinq conseils à d’autres leaders pour favoriser la bonne santé et la résilience du personnel, quels seraient-ils?
- Offrir à l’ensemble du personnel (sans exception!) la possibilité de s’exprimer. Prévoyez différents canaux pour recueillir les perspectives de tout le monde, et ainsi donner une voix aux personnes les plus discrètes comme aux plus extraverties. Veillez ensuite à les écouter et à y donner suite! Le résultat pourrait bien vous surprendre. C’est en partie grâce aux contributions du personnel qu’en 2020, les bureaux d’ESC ont été reconnus pour leur aménagement dans Best Offices Ottawa.
- Veiller à ce que les valeurs de l’organisme soient riches de sens, et reflètent une diversité de perspectives. Au lendemain de la fusion de la FCASS et de l’ICSP, nous avons entamé un processus de co-conception avec le personnel et les parties prenantes externes pour définir les valeurs d’ESC. Ces valeurs sont tangibles. Elles sont incarnées au quotidien dans tout ce que nous faisons, renforcent le sentiment d’appartenance et attirent les meilleurs talents.
- Privilégier la sécurité psychologique et la confiance au travail. Tout le monde doit se sentir libre d’affirmer son individualité au travail. Pouvoir s’exprimer sans craindre l’embarras ou les reproches amène des discussions plus riches, un travail d’équipe plus efficace et des innovations plus audacieuses.
- Maintenir une communication ouverte… en toutes circonstances! Ressentir de l’isolement ou manquer d’information peut générer de l’incompréhension, du stress et une perte de confiance et, à terme, nuire au travail d’équipe et à la collaboration. Communiquer ouvertement ne signifie pas avoir réponse à tout. J’ai appris qu’il est parfaitement acceptable de dire « Je ne sais pas »; cela fait de moi une personne authentique, et l’authenticité est une marque de leadership.
- Faire preuve de flexibilité. En offrant aux membres du personnel la possibilité de choisir leurs modalités de travail, la direction montre la confiance qu’elle porte en leur capacité à atteindre leurs objectifs, et l’importance qu’elle accorde au bien-être. Le résultat? Une productivité et une motivation accrues. La politique de travail flexible mise en œuvre chez ESC a été primée et s’est traduite par de nombreux avantages : plus de diversité, plus d’inclusivité, un bassin élargi de talents qui apporte des perspectives nouvelles autour de la table, et une culture qui permet à tout le monde de s’épanouir, peu importe le lieu de résidence ou de travail.
Quel est l’enseignement le plus difficile que vous ayez tiré dans vos fonctions de vice-présidente Services de gestion?
Si les systèmes et les technologies peuvent évoluer rapidement, l’être humain, lui, a besoin de temps pour s’adapter au changement. J’ai tiré de nombreux enseignements au fil des années sur la gestion du changement chez un large groupe de personnes ayant une grande diversité de besoins. J’ai notamment compris combien il est important d’impliquer le personnel dans la mise en œuvre du changement quand cela est possible, de le tenir informé en temps réel, de faire preuve de constance et de rassurer tout au long du processus. J’ai maintenant conscience qu’il est fondamental d’adapter l’approche de communication à la personne à laquelle on s’adresse, et au problème qu’elle rencontre. Mais avant toute chose, l’authenticité et l’ouverture sont déterminantes pour gagner la confiance du personnel et être un leader efficace.
Qu’est-ce qui vous donne de l’espoir pour l’avenir du secteur de la santé?
Le nombre de personnes passionnées et déterminées à améliorer les choses partout au pays, malgré les défis auxquels nos systèmes de santé sont confrontés. Alors même que le monde était aux prises avec la COVID-19, les équipes participant à nos programmes ont indiqué avoir amélioré leur façon de travailler, l’expérience des patients et des prestataires ainsi que les résultats cliniques. Cette année, ESC a travaillé avec plusieurs milliers de leaders pour diffuser des pratiques de santé innovantes. En continuant à faire le lien entre les personnes, les pratiques et la passion qui conduisent au changement, nous contribuerons indéniablement à offrir des soins plus sûrs et de qualité à un plus grand nombre de personnes au Canada.
Quel conseil donneriez-vous aux nouvelles recrues d’ESC?
Innovation et bouleversements sont indissociables. Le processus n’est jamais clair ni linéaire. Faites preuve de résilience, de flexibilité et d’adaptabilité au changement, tant dans l’environnement externe que dans vos approches internes d’atteinte des objectifs; ce sont les principaux ingrédients du succès. Si vous continuez à vous rattacher au pourquoi de ce travail, le chemin à parcourir vous semblera moins important et les résultats que vous obtiendrez n’en seront que plus spectaculaires.
Quel aspect de votre prochaine tranche de vie vous enthousiasme le plus?
Je m’engage sur ce territoire inconnu en étant à la fois enthousiaste et tétanisée. Un ancien directeur du conseil d’administration d’ESC a évoqué sa retraite comme une période de « renouveau ». Le voyage promet d’être riche en redécouvertes; je suis prête à me recentrer sur ma famille, qui est sur le point de s’agrandir, à explorer de nouveaux lieux et centres d’intérêt, et à réfléchir à la forme que je souhaite donner à cette nouvelle phase de ma vie. Le chemin ne sera pas plus linéaire que ce qu’il a été jusque là. J’anticipe quelques faux départs et nouveaux départs, et peut-être même quelques arrêts inopinés, mais j’ai la certitude que j’y prendrai beaucoup de plaisir. Et je suis bien sûr impatiente d’assumer pleinement mon rôle de « mamie » cool et de gâter mon petit-fils ou ma petite-fille.