Par Alies Maybee (Réseau des patients partenaires), Kathy Kovacs Burns (Patients pour la sécurité des patients du Canada) et Adrienne Zarem (Excellence en santé Canada)
Cette année, la Journée mondiale de la sécurité des patients du 17 septembre, qui approche à grands pas, a pour thème « Faire des patients les acteurs de leur propre sécurité » en reconnaissance du rôle crucial joué par les patientes et patients, leurs proches et les partenaires de soins essentiels dans la sécurité des soins. C’est dans cet esprit que nous, patientes partenaires, partageons nos réflexions sur la sécurité et la qualité des soins et sur les occasions de les optimiser.
Pour assurer une prestation de soins sûrs et de qualité, notre système de santé dépend de la collaboration de tout le monde, à tous les niveaux. Collaborer de manière constructive a un effet bénéfique sur l’évolution de notre état de santé et nous fait vivre des expériences plus positives dans le système, et permet aux membres du personnel de santé d’être plus optimistes quant à leur travail. Un grand nombre de personnes reçoivent des soins sûrs et de qualité, et nous espérons que ce type de soins collaboratifs axés sur nos besoins continuera de se diffuser.
Mais nous ne sommes pas dupes. Nos systèmes demeurent peu sûrs. Les préjudices, physiques comme psychologiques, sont fréquents dans tous les domaines du système de santé. Notre approche actuelle en matière de sécurité des patients a ses limites. Nous devons penser et agir différemment. Tout le monde a un rôle à jouer en matière de sécurité des patients. Pour créer un système plus sécuritaire, il est primordial d’établir des partenariats significatifs et constants avec nous.
Une responsabilité partagée
Soigner, ce n’est pas une question unilatérale. Passer des soins conçus pour les bénéficiaires à des soins conçus avec les bénéficiaires améliore les résultats sur la santé et les expériences, en plus de favoriser des relations de confiance entre les patientes et patients et l’équipe soignante.
Kathy : La plupart des milieux de soins de santé connaissent une pénurie de personnel. Les contraintes de temps et les volumes d’activité élevés nuisent à la qualité de la communication entre bénéficiaires et prestataires de soins. Mais même les plus petits gestes peuvent faire une différence. Du côté des prestataires, prendre vingt ou trente secondes pour faire le point avec une patiente ou un patient ou l’inviter à poser des questions contribue largement à lui donner plus de pouvoir. Du côté des bénéficiaires, préparer des questions et faire preuve de proactivité leur permet de tirer le meilleur parti possible des rendez-vous et ainsi prendre des décisions éclairées.
Alies : Les prestataires devraient également bien accueillir les personnes qui font des recherches en ligne (sur Google par exemple) afin de comprendre leurs soins, ce qui permet d’engager une conversation. Offrir un espace de dialogue permet aux patientes et patients de participer à la prise de décisions et d’assumer la responsabilité de leurs soins, de leur traitement et des risques qui y sont associés. C’est l’occasion de contrer la mésinformation et la désinformation, et de les aider à prendre des décisions éclairées par nos équipes soignantes plutôt que des décisions pouvant compromettre leur sécurité.
Kathy : Lorsque les patientes et patients font valoir leurs propres intérêts et posent des questions sur leurs soins et leurs traitements, il s’agit d’une occasion de minimiser les risques. De bons soins, ce sont des soins sûrs. Lorsqu’il y a interruption de la communication ou rupture du lien de confiance entre les prestataires et les bénéficiaires, les soins en souffrent. Cette réalité a été mise en lumière durant la pandémie : les restrictions mises en place ont limité l’accès aux services de santé (notamment aux services d’urgence) ou donné un sentiment d’insécurité face aux soins en personne.
Inviter les patientes et patients partenaires
Inviter des personnes ayant différentes perspectives à prendre part au processus décisionnel permet la création d’un environnement de soins sûrs. Un engagement concret des patientes et patients est essentiel pour transformer le système de santé. L’expertise découlant du vécu expérientiel des bénéficiaires de soins, des personnes proches aidantes et des membres de la communauté permet d’améliorer de façon durable la qualité et la sécurité des soins.
Adrienne : En milieu de soins, mon enfant risquait toujours de prendre la fuite. Si je n’avais pas été invitée à partager cette information, mon enfant aurait pu fuir et se retrouver dans des situations dangereuses. Pour assurer la sécurité de l’environnement de soins, les prestataires doivent non seulement accorder de l’importance à nos points de vue, mais également nous inviter à communiquer toute information pertinente et à faire partie du cercle de soins.
Alies : Au-delà de l’inclusion, il s’agit également de nous transmettre les connaissances dont nous avons besoin pour participer à nos soins. Autrement, comme j’en ai fait l’expérience, la boucle d’apprentissage peut s’étendre sur 10 ans. Parmi ces connaissances, citons les nuances et les structures du système – des flux de travail liés aux bénéficiaires et aux prestataires jusqu’au mécanisme de plainte.
Promouvoir une culture d’apprentissage
Comme nous le savons, une culture de sécurité est une culture d’apprentissage. En favorisant la curiosité et l’exploration, les responsables d’organisations peuvent créer des environnements sûrs dans nos systèmes de santé.
Alies : La notion de soins non sûrs englobe davantage que les incidents liés à la sécurité du patient. Elle englobe également les structures et les cultures, notamment du blâme et de la honte, qui causent des préjudices. Ces types de culture sont un enjeu pour la sécurité, car ne pas accepter l’échec augmente les risques de répéter les erreurs et réduit les possibilités d’apprentissage.
Adrienne : En outre, la phraséologie relative aux plaintes a tendance à être négative. Mais si on met en avant qu’une plainte est une manière de communiquer des informations utiles susceptibles d’améliorer le système, on instaure une culture de sécurité (par exemple, en utilisant « Nous aimerions connaître votre avis » plutôt que « Vous pouvez formuler une plainte »).
Kathy : Les points de vue comptent. Comment empêcher que des incidents liés à la sécurité se reproduisent? Nous devons tirer des leçons des incidents passés. Participer ouvertement et proactivement aux discussions à ce sujet est une façon de réduire les risques et de passer d’une culture de blâme à une culture d’apprentissage et de prévention des préjudices.
Des changements systémiques pour des soins sûrs
Lorsque les prestataires disposent de toutes les informations nécessaires pour appuyer les soins prodigués, l’efficacité du système s’en trouve accrue. Nous sommes particulièrement vulnérables lors des transitions dans le système, voire quand nous changeons de prestataire, car la transmission des données de santé n’est pas toujours parfaite.
Alies : Lorsque les données sont incomplètes au moment de poser un diagnostic et de choisir un traitement, notre sécurité s’en trouve menacée. Il existe des moyens concrets d’améliorer les soins, comme mettre à jour les lois sur la protection de la vie privée, ou encore adopter des normes en matière de partage des données entre les systèmes de santé. Ces changements seraient bénéfiques lors des transitions.
Adrienne : Afin de créer un environnement sécuritaire, les prestataires doivent pouvoir compter sur le soutien de leurs pairs pour la transmission des informations. Lorsque l’information circule bien entre les membres d’une équipe de soins unifiée, les soins sont plus sûrs.
Comprendre les formes plus larges de préjudice
Pour créer des environnements sécuritaires, nous devons élargir notre compréhension des préjudices. Faire des patients les acteurs de leur propre sécurité, c’est chercher à connaître leurs expériences et à comprendre leur conception des préjudices et de la sécurité. Comme en témoignent de nombreux cas récents, la sécurité culturelle fait partie intégrante de la sécurité des patients. Des histoires comme celle de Joyce Echaquan, une femme atikamekw qui a trouvé la mort pendant son séjour à l’hôpital en raison du racisme, illustrent douloureusement les multiples facettes des préjudices.
Alies : Afin de rendre le système sécuritaire pour tout le monde, nous devons comprendre l’incidence du racisme et des autres formes de discrimination sur les soins. Nous devons faire entendre la voix des personnes qui sont couramment victimes de préjudices en raison de leur identité (culture, couleur, genre, langue, etc.). En tenant compte des besoins des personnes qui sont victimes de discrimination et d’oppression, et qui n’ont par conséquent pas accès à des soins sûrs, nous arriverons à mettre en place un tel système.
Adrienne : Nous devons également reconnaître les préjugés implicites et inconscients, qu’on peut notamment entretenir sans s’en rendre compte et qui peuvent causer des préjudices.
Kathy : Il s’agit ici de placer les patientes et patients au cœur des soins, et de les aider à communiquer ouvertement leur conception de ce que sont des soins sûrs. Seule la personne qui reçoit les soins peut déterminer si les soins sont culturellement sûrs. Il ne s’agit pas de tout savoir sur l’identité d’une personne (genre, ethnicité, spiritualité, etc.), mais de créer un environnement et une relation qui permettent une communication ouverte et respectueuse. Et ainsi de tout faire pour respecter le caractère unique de la personne, tout en prodiguant des soins sûrs et appropriés.
Quelles sont les prochaines étapes?
Des soins sûrs reposent d’abord sur l’ouverture, la transparence et la reconnaissance de la nécessité d’unir nos efforts pour améliorer les soins. Toutes et tous au Canada souhaitent et méritent des soins de santé sûrs et de qualité. Et ensemble, nous pouvons rendre cela possible.
Vous cherchez d’autres ressources ou souhaitez participer aux efforts?
- Consultez le Guide canadien de l’engagement des patients en matière de sécurité, le guide de discussion Repenser la sécurité des patients, l’Outil d’auto-évaluation organisationnelle de l’environnement propice à la participation, ou encore le site Web de l’Organisation mondiale de la Santé pour participer à la campagne.
- Rejoignez un groupe dirigé par des patients et patientes, comme le Réseau des patients partenaires et Patients pour la sécurité des patients du Canada.
- Assistez aux prochaines séances d’apprentissage sur les plaies de pression de Patients pour la sécurité des patients du Canada qui auront lieu le 14 septembre (10 h HR / 11 h HC / midi HE) et le 25 octobre (10 h HR / 11 h HC / midi HE).
- Apprenez-en davantage sur la sécurité culturelle dans le rapport Cheminer ensemble : renforcer la compétence culturelle autochtone dans les organismes de santé et la série de webinaires Repenser les SLD : Approches de soins culturellement appropriées dans les établissements de soins de longue durée, ou sur le Projet collaboratif de conception sur la sécurité culturelle d’ESC.
- Joignez-vous à la campagne annuelle pancanadienne de la Semaine nationale de la sécurité des patients, qui aura lieu la dernière semaine d’octobre.