Légende de la photo : Les coulisses de la production d’une vidéo métisse où Demi Neufeld témoigne de son expérience du système de santé après l’obtention de son diagnostic.
Observée chaque année le 17 septembre, la Journée mondiale de la sécurité des patients souligne l’importance de la sécurité des patients et de la prévention des préjudices dans les services de santé. Si beaucoup d’entre nous voient le milieu de la santé comme un endroit où nos besoins sont satisfaits, d’autres le considèrent comme un environnement hostile et dangereux. Pour comprendre la notion de préjudice, il est important d’élargir sa définition au-delà de la dimension corporelle (chutes, infections nosocomiales, etc.) pour englober l’ensemble des expériences vécues par les bénéficiaires de soins.
Pourquoi la sécurité des patients est-elle importante?
Le racisme et les soins non respectueux des valeurs culturelles, en déshumanisant les patientes et patients, peuvent à leur tour entraîner des préjudices, voire conduire à la négligence ou la faute professionnelle pouvant causer la mort. Le racisme et la discrimination font encore et toujours rage dans le système de santé, sous des formes multiples : environnements, politiques, préjugés inconscients de la part du personnel soignant ou refus d’accès aux soins. Les répercussions persistantes du colonialisme, de la suprématie blanche et du racisme envers les Autochtones se manifestent tragiquement dans les décès de Joyce Echaquan et de Brian Sinclair ainsi que dans le rapport In Plain Sight produit en Colombie-Britannique*. Les Premières Nations, les Inuits et les Métis subissent des traumatismes cumulatifs et collectifs lorsqu’ils tentent d’accéder aux services de santé : internalisation de la stigmatisation et de la discrimination, stress direct causé par des interactions discriminatoires avec le système de santé, hypervigilance chronique associée à l’anticipation des préjugés et mauvais traitements, etc.
Pour que les soins soient respectueux des valeurs culturelles, les prestataires de soins de santé doivent écouter – activement et sans porter de jugements – les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis; il faut aussi faciliter l’accès de ces patientes et patients à des appuis à leur culture et à leurs traditions afin qu’ils se sentent en sécurité et respectés à titre personnel et identitaire. Cette approche holistique est essentielle pour créer un système où tout le monde peut recevoir des soins réellement sûrs et de qualité.
Les Métis ont leurs propres besoins de sécurisation culturelle
En matière de sécurisation culturelle, les Métis, l’un des trois groupes autochtones distincts reconnus au Canada, ont des besoins qui leur sont propres et qui doivent être reconnus et respectés. Cependant, nombre des ressources proposées dans le milieu de la santé sont spécifiquement axées sur les communautés et les expériences des Premières Nations.
Les communautés métis, nées dans la période post-contact de l’union de femmes des Premières Nations et d’Européens venus faire la traite des fourrures, forment une nation autochtone vivante et dynamique ayant sa propre langue (le michif), sa propre culture et ses propres traditions. Malheureusement, les Métis font aussi face à des problèmes particuliers en matière de soins de santé, comme les barrières linguistiques, le racisme et la discrimination, ainsi qu’à des difficultés d’accès aux soins dans leurs collectivités rurales et éloignées, où les options de transport sont limitées. Contrairement aux membres des Premières Nations ayant le « statut d’Indien », les personnes métisses n’ont pas accès au programme des services de santé non assurés (SSNA), ce qui limite leurs ressources lorsqu’elles ont besoin de services de santé complémentaires ou d’un moyen de transport pour se rendre aux établissements de soins.
Il est fréquent que les prestataires de soins de santé ne comprennent pas bien l’histoire et l’identité des Métis, ce qui crée des à priori et des malentendus qui nuisent aux soins prodigués. Par ailleurs, leur vision est souvent influencée par des biais sociétaux qui perpétuent des idées stéréotypées et inappropriées concernant les Métis, ce qui effrite encore plus la qualité des soins que ces derniers reçoivent. Il est fondamental, pour remédier à ces problèmes, d’adopter des approches antiracistes de réduction des préjudices, tenant compte des traumatismes et fondées sur nos forces, afin de garantir l’équité des soins pour les Métis partout au Canada.
Recueil et partage des témoignages de Métis quant à la sécurité culturelle
Organe crucial pour représenter la population métisse en Saskatchewan et améliorer son accès à des soins respectueux des valeurs culturelles, la Métis Nation – Saskatchewan (MN-S) constitue le gouvernement souverain des Métis de la province et défend leurs droits et intérêts. Par sa structure de gouvernance, elle est habilitée à adopter des lois, règlements et résolutions régissant les affaires et la conduite des Métis en Saskatchewan. La MN-S organise des programmes de soins communautaires conçus pour combler les lacunes, renforcer la sécurité culturelle et venir en aide aux patientes et patients métis. Quelques initiatives :
- Programme d’aide aux déplacements pour raison médicale
- Programmes pour les travailleuses et travailleurs de soutien et défenseuses et défenseurs des patientes et patients métis
- Services de traduction
- Mise en relation de patientes et patients métis avec des Aînées et Aînés
- Ressources de promotion de la santé et de sensibilisation sur différents sujets importants pour la communauté
Pour encore renforcer la sécurité culturelle et la sensibilisation, la MN-S a produit une série de témoignages vidéos (en anglais) sur les problèmes uniques auxquels sa population est confrontée. En mars 2023, elle a réuni six membres de la communauté métisse pour les inviter à raconter leurs expériences du monde de la santé dans une atmosphère communautaire solidaire. Ces récits soulignent la force des habitantes et habitants métis de la Saskatchewan, et illustrent les aspects positifs de leurs expériences dans le système de santé. Aussi différentes ces expériences soient-elles, il s’en dégage des thèmes communs : la difficulté d’accès au transport, le fardeau que représentent les déplacements pour raison de santé, et l’incompréhension face à l’identité métisse. Dans sa série de vidéos, la MN-S espère outiller les prestataires de soins de santé pour qu’ils puissent fournir des soins respectueux des valeurs culturelles et réclament des pratiques de santé plus inclusives.
Comment fournir des soins culturellement sûrs aux Métis?
Ces vidéos sont une ressource inestimable pour les prestataires de soins de santé qui s’emploient à rendre les soins plus sûrs pour les Métis. Terri Hansen-Gardiner, métisse et anciennement préposée aux bénéficiaires, raconte :
« J’ai reçu un diagnostic de cancer voilà quelques années, et c’est là que j’ai observé les problèmes que rencontre mon peuple. Il y a tant d’obstacles dans les soins oncologiques [...] Je crois qu’il serait utile que les hôpitaux se dotent d’une intervenante-pivot ou d’un intervenant-pivot pour les Métis. Les patientes et patients métis ont déjà assez de craintes; il leur faudrait quelqu’un qui parle leur langue et qui peut les aider à comprendre leur diagnostic et ce qui les attend. »
D’autres thèmes importants ressortent des expériences recueillies :
- Les prestataires de soins de santé devraient s’exprimer de manière simple et vulgarisée pour aider les patientes et patients métis à poser des questions et à contribuer à leur propre prise en charge.
- Il est crucial d’avoir des programmes et services par et pour les Métis, comme ceux de la MN-S, pour aider cette population à obtenir des soins.
- Le transport médical est un problème de taille pour les Métis vivant dans des communautés rurales et éloignées. Il faut plus de services de transport pour permettre à cette population d’obtenir des diagnostics et des traitements, ou encore des prestataires à même de se déplacer pour venir à elle.
- Les prestataires de soins de santé doivent se former sur les personnes métisses et sur les défis, les obstacles et les facteurs de protection les concernant afin de s’attaquer au problème des soins non respectueux des valeurs culturelles que bon nombre d’entre elles reçoivent encore.
- Le manque d’accès aux soins primaires et la variabilité des prestataires mènent à des erreurs de diagnostic et à des retards dans le traitement, particulièrement pour les Métis en milieu rural et éloigné.
Nous vous encourageons à écouter les témoignages et à apprendre des expériences véhiculées. Marsee/maarsii – continuons ensemble à améliorer les soins prodigués aux Métis.
En savoir plus :
- Visionnez la série de vidéos (en anglais).
- Élargissez votre vision de la sécurité des patients grâce au guide de discussion Repenser la sécurité des patients.
Ce billet de blogue est l’œuvre conjointe de la Métis Nation – Saskatchewan et d’Excellence en santé Canada.
* Excellence en santé Canada (ESC) reconnaît que l’auteure principale du rapport In Plain Sight d’origine (« le rapport »), est Mary Ellen Turpel-Lafond, dont les revendications d’ascendance autochtone ont été discréditées. ESC reconnaît que l’auteure principale du rapport d’origine est Mary Ellen Turpel-Lafond, dont les revendications d’ascendance autochtone ont été discréditées. Notre organisme reconnaît le lourd préjudice causé par l’usurpation de l’identité autochtone, mais respecte les témoignages et les cheminements des personnes autochtones citées dans ce rapport qui ont subi du racisme au sein du système de santé. Les récits d’Autochtones vivant en Colombie-Britannique qui figurent dans ce document ont largement contribué aux changements importants menés dans la province pour lutter contre le racisme systémique. ESC cite le rapport pour honorer ces témoignages et cheminements et se baser sur ces changements positifs.